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15 novembre 2022 2 15 /11 /novembre /2022 14:50

Euthanasie : plaidoyer en 14 points

  1. Les comas qui n’en finissent pas.
  2. L’aspect schizophrénique de la loi Léonetti Claeys.
  3. Le paravent de la bonne conscience.
  4. Le court terme.
  5. La grande violence de nos détracteurs
  6. Le serment d’Hippocrate.
  7. Légiférer pour une minorité.
  8. D’inavouables mobiles économiques.
  9. Une loi de liberté.
  10.  L’euthanasie « nazi ».
  11.  La dignité.
  12.  Une médecine à trois vitesses.
  13.  La légitime adaptation aux nouvelles pathologies.
  14.  Le rôle double et trouble de la SFAP.

 

  1. Les comas qui n’en finissent pas : Une fracture anthropologique

   Nous savons ce qu’est la vie, nous savons ce qu’est la mort, mais, connait-on « la petite mort ». Elle résulte d’un véritable choc civilisationnel, d’une situation médicale impensée et impensable. Les progrès de la technologie de réanimation créent des victimes collatérales. Dans un premier temps, il est logique et humain de faire revenir à la conscience une personne en arrêt cardio respiratoire. Mais, quand les images à résonnance magnétique (IRM) attestent, dans un deuxième temps que seuls les corps subsistent, car les patients sont trop gravement cérébrolésés, pour pouvoir vivre, il n’y plus rien à faire. Il n’y a plus de tuyaux à enlever, et les paramètres biologiques peuvent être stabilisés, des fois à minima, pour le pire…

   Mon fils a passé le tiers de son séjour sur cette terre, dans cet état soit, 8 ans ½. Il était complétement paralysé et complétement inconscient, son visage n’exprimait rien, ni larmes, ni signes quelconques. Il respirait par trachéotomie et était nourri par sonde de gastrostomie qui perforait son estomac. Déglutissant à minima sa salive, il faisait de constantes fausses routes en s’étouffant quotidiennement dans ses propres glaires. C’était un « laisser crever » écrivait l’auteur même de la loi qui porte son nom, Monsieur Jean Léonetti, dans un chapitre dédié à mon enfant dans son livre « à la lumière du crépuscule ». Nous demandions pour notre fils le droit de mourir puisqu’il ne pouvait plus vivre, même pas le droit de mourir dans la dignité, non ! juste l’autorisation de mourir. Nous avons obtenu gain de cause au bout de 16 mois d’un indicible combat. Un calvaire semé d’embûches de toutes sortes. La sanction est tombée sur lui, le plus vulnérable, enfermé dans le plus cruel des silences. Il est mort en six jours cauchemardesques, sans nutriments, sans hydratation, sans médication, sans sédation (anti-douleurs), cyanosé, brûlant, avec de terribles troubles hydroélectrolytiques, des soubresauts très impressionnants et insoutenables…, le prix à payer pour mourir. Personne à l’heure actuelle, n’est à l’abri de tels agissements. La loi n’y peut rien. Vous ne pouvez pas vous exprimer et surtout, vous n’êtes pas considéré en fin de vie. Vous n’êtes pas en phase terminale de maladie incurable. C’est le triste sort de certains d’entre nous, après une tentative de suicide, une crise cardiaque, un AVC (accident vasculaire cérébral), un accident de la route. Par ailleurs, les directives anticipées ne sont pas opposables. Nous dépendons de l’arbitraire des médecins qui craignent d’être accusés d’euthanasie. Ils sont seuls juges pour décider si nos choix ultimes sont appropriés ou pas à une situation donnée, dans un sens ou dans un autre.

   Une loi sur l’aide active à mourir semble se profiler, après tant de souffrances institutionnalisées. Le comité consultatif national d’éthique (CCNE), prend conscience en juin 2021, je cite : « de l’absurdité d’une situation dans laquelle le mourant n’en finit pas de mourir ». Mais, comme dit le pape : «la vie est un droit, pas la mort ».

  1. L’aspect schizophrénique de la loi Léonetti Claeys.

   Cet aspect est parfaitement mis en exergue dans un document du CNRS qui stipule : « nous ne pouvons pas exclure une perception basique de la douleur ». « On sait la tentation euthanasique qui peut se loger derrière la demande de sédation ».

   La frontière si tenue entre le licite, la loi Léonetti Claeys (sédation profonde et continue) et l’illicite (l’euthanasie), provoque des agonies sans fin, atroces. Si la survenue de la mort est rapide, les médecins risquent d’être accusés d’euthanasie.

   Le médecin spécialiste en soins palliatifs, qui a conseillé les médecins référents d’Hervé, pour encadrer ses derniers jours écrivait : « Il ne semble pas que l’association d’une sédation (anti-douleurs) à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, ne cause de souffrances supplémentaires ».

   Le professeur Axel Kahn était médecin généticien, directeur de recherche à l’INSERM. Il était également président de l’université Paris Descartes. Il a été membre du comité national d’éthique de 1992 à 2004.

   Il s’insurgeait dans un chapitre dédié à notre fils Hervé, dans son livre « L’ultime liberté », contre la pré-supposée non souffrance d’une personne en EVC, lors de son agonie. Il laissait éclater son indignation et sa réprobation au travers de ces quelques lignes : « On peut argumenter en avançant qu’Hervé Pierra convulsait mais ne souffrait sans doute pas. Ces arguments sont irrecevables. Le coma végétatif sans conscience peut comporter des sensations désagréables, des souffrances, même si leur traitement cognitif est aboli. Les animaux les moins cérébralement développés souffrent aussi ! ». Depuis notre audition en commission d’enquête parlementaire, la sédation est obligatoire. Malheureusement, des témoignages nous parviennent, attestant de sédations légères pour garantir qu’il ne s’agit pas d’actes euthanasiques. D’autre part, c’est bien l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation qui conduit le patient à la mort, et non pas l’administration de produits médicamenteux. Le Professeur Martine Lombard précise qu’au-delà de plusieurs jours de sédation profonde et continue, le patient peut présenter des signes de réveil associés à une dégradation de son état physique.

  1. Le paravent de la bonne conscience.

   Il se nomme « intention ». L’intention est l’art de se démarquer avec bonne conscience d’un but défini et partagé par la loi et par les demandeurs d’aide active à mourir qui est « accéder à la mort ». La  sédation profonde et continue est une euthanasie de longue durée qui ne dit pas son nom. Même les nourrissons grands prématurés non viables sont soumis à ces effrayants protocoles. La prolongation de leur agonie est insupportable. Elle a été dénoncée par le centre éthique de l’hôpital Cochin et toute une équipe constituée de médecins, infirmières, psychologues, juristes. Cette enquête est publiée par le journal « Libération » sous le titre « Agonie du nourrisson, des mots sur l’inconcevable ». Voici quelques déclarations de parents : « on a vécu l’enfer, cela a été trop long » ; « cela a duré 18 jours » ; « c’était un bébé potelé, à la fin elle est devenue méconnaissable ». Un médecin réanimateur avoue : « les infirmières pleuraient, le visage du nourrisson devenait si lisse que l’on ne voyait plus d’expressions ». Une juriste, Mme Laurence Brunet déplore : « dès que la peau se dégrade, c’est insupportable », « voir leur enfant devenir une poupée de chiffon …».

  1. Le court terme.

   La loi Léonetti Claeys permet une sédation profonde et continue à court terme. C’est une temporalité inconcevable pour celui qui souffre le martyr pendant des semaines, des mois. La haute autorité de santé (HAS) précise bien que ce court terme, s’entend par quelques heures à quelques jours. Le temps de l’acceptable par la loi peut devenir le temps de l’inacceptable, de l’insupportable torture pour le patient. La maladie de Charcot, incurable, enferme le patient dans son corps, alors qu’il est en pleine possession de ses fonctions sensorielles et cognitives. Ces patients ont besoin d’avoir l’assurance qu’on les aidera quand ils ne pourront plus supporter leurs souffrances. Dans son avis n° 139, le comité consultatif national d’éthique (CCNE), interroge ce délai très court et reconnait enfin l’existence de certaines souffrances réfractaires pour lesquelles il n’y a pas de solution actuellement.

  1. La grande violence de nos détracteurs

   La position de l’église sur le sujet de la fin de vie est la suivante : Ni acharnement thérapeutique, ni euthanasie. Comment l’église concilie-t-elle ces deux injonctions dans les cas comme celui de mon fils, des nourrissons, des personnes atteintes de la maladie de Charcot. Est-il plus charitable de voir au bout de 15 jours, un mois, des corps décharnés, avec des teints cireux, cyanosés et surtout en souffrance par « tachyphilaxie » qui est le processus d’accoutumance de l’organisme à un traitement ou un agent pathogène.

   Mgr Rey veut imposer dans notre pays laïc, des douleurs rédemptrices pour tous. Il déclare que la souffrance participe de la douleur du Christ. Il est déloyal, malhonnête et tendancieux de faire croire que le poncif « tu ne tueras point », qui fait référence à des homicides, s’inscrirait dans une déontologie médicale qui appliquerait dans un cadre légal, des concepts bioéthiques. Les dignitaires religieux puisent dans un registre guerrier ou criminel les mots qui pour eux définissent l’aide active à mourir : Mgr Ginoux et sa « barbarie silencieuse » ; le Cardinal Vingt trois et son « permis de tuer » ; Mgr Jacolin et sa « barbarie meurtrière ». Le Pape François compare l’aide active à mourir au terrorisme et à la guerre. En Italie, des funérailles religieuses avaient été refusées à Mr Piergiorgio Welbi, parce qu’il avait demandé le débranchement de son appareil respiratoire au stade terminale d’une dystrophie musculaire évolutive (détresse respiratoire).

   Nos politiciens et intellectuels ne sont pas en reste, au premier rang desquels Mr Michel Houellebecq qui nous condamne au pire : « il est souhaitable de détruire une civilisation qui légalise l’euthanasie », « les partisans de l’euthanasie se gargarisent de mots dont ils dévoient la signification à un point tel qu’ils ne devraient même plus avoir le droit de le prononcer » (il s’agit du mot compassion).

  1. Le serment d’Hippocrate.

   Ce serment a 25 siècles. Il commence par ces mots : « Je jure par Apollon, médecin, par Asclépsios, par Hygie et Panacée, par tous les Dieux, et toutes les Déesses… ». L’autorisation de l’IVG a déjà écorné ce serment. L’interdit de l’euthanasie se heurte à un autre interdit très largement bafoué de nos jours, celui de plonger des vies dans des comas interminables, dans des souffrances de longue durée. Or, le docteur Hippocrate disait : « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément » et « Je ne prolongerai jamais abusivement les agonies ». Ces deux injonctions ne sont pas transposables dans notre société contemporaine dans lesquelles les agonies sont artificiellement entretenues. Toutes ces références sont d’autant plus inacceptables que le personnage n’a pas toujours fait preuve d’humanité et de vertus. S’adressant à ses étudiants il déclare qu’il ne faut pas soigner les cas jugés désespérés, de crainte d’y laisser sa réputation (source Wikipédia Hippocrate dans la république, une relation thérapeutique).

  1. Légiférer pour une minorité.

   Parmi les malades en phase terminale de cancer, seuls 2 à 3 % réclament une aide active à mourir, en proie à des douleurs réfractaires, d’après une enquête de l’académie de médecine auprès de directeurs de centres anti-cancéreux. Ce chiffre s’élève tout de même à 4000 personnes par an. Les patients atteints de maladies neurodégénératives viennent grossir ce chiffre, en général, ils fuient à l’étranger ou des institutions plus compatissantes les prennent en charge. Les patients atteints de la maladie de Charcot, sont à peu près 5000 en France, beaucoup d’entre eux, en phase terminale, implorent une aide active à mourir. Mourir en détresse respiratoire constitue, à mon sens, une honte pour la médecine. Croire que la loi est faite pour le plus grand nombre est faux, la loi est justement faite pour les minorités, pour les protéger. Un avocat contemporain donnait un exemple précis et illustrant : Des enfants se noyaient chaque été dans la piscine de leurs parents, alors il fût décidé de clôturer ces bassins. Pourtant, cela ne concernait que très peu d’enfants.

 

  1. D’inavouables mobiles économiques.

   Mgr Marc Aillet déclare : « l’église s’élève aujourd’hui contre un projet de loi pernicieux sur la fin de vie qui s’apprête à tuer impunément des malades en phase terminale, des personnes âgées ou handicapées, voire, des personnes en détresse psychologique, au nom d’une miséricorde fallacieuse qui cache difficilement des mobiles économiques inavouables ». Il faut savoir que les séniors représentent un tiers de la population française et plus de la moitié des dépenses de consommation. C’est au contraire une manne économique appelée « l’or gris ».

9- Une loi de liberté.

   Une loi qui est autorisée n’est pas une loi qui est forcément préconisée. C’est une liberté de choix. L’IVG est autorisée mais n’est absolument pas proposée aux futures mamans. La loi serait par ailleurs, strictement encadrée et permettrait jusqu’au bout au patient de changer d’avis dans un sens ou dans un autre. La parole du patient est sacrée, elle est au centre de toutes les préoccupations, elle doit être respectée.

10- L’euthanasie « nazi ».

   Cette rime grotesque, couplée avec le procédé de l’analogie, prête aux partisans d’une nouvelle loi des intentions malveillantes. Euthanasie signifie étymologiquement en grec : « mort douce ». Un peu d’histoire s’impose : L’église de France a reconnu sa responsabilité au cours de cette époque tragique qu’était la seconde guerre mondiale, dans une « déclaration de repentance », le 24 septembre 1997, lors du concile Vatican 2. Quelques outrages sont à relever : Le Cardinal Pietro Gasparri proclame « Tant que Hitler ne déclare pas la guerre au Saint Siège et aux dignitaires catholiques en Allemagne, nous ne devons pas condamner le parti d’Hitler » (source le journal Der Spiegel) ; L’Abbé Vershaeve indique en 1942, que les jeunes doivent s’engager dans les SS.

11- La dignité.

   Elle est intrinsèque à l’homme et ne dépend donc d’aucuns facteurs extérieurs comme l’âge, la nationalité, la religion, le genre, l’orientation politique, philosophique, l’état de santé, la dépendance ou pas etc… Une personne ne perd jamais sa dignité. Mourir dans la dignité signifie, mourir dans une situation de dignité, avec tous les égards et le respect dus à un être humain. C’est là encore un déloyal travestissement des termes pour discréditer l’aide active à mourir.

12- Une médecine à trois vitesses.

   Celle des plus pauvres, qui n’ont pas les moyens financiers de s’exiler en Belgique ou en Suisse, pour être accompagnés dans l’apaisement. Leur pronostic vital n’étant pas engagé à court terme, ils subissent pendant des mois les affres d’une maladie incurable, torturés par des souffrances réfractaires.

   Les patients qui ont des moyens financiers, s’exilent comme Mme la Députée socialiste Paulette Guinchard, anti-euthanasie, morte par suicide assisté le 4 mars 2021, atteinte de la maladie de Charcot.

   Les puissants jouissent de privilèges refusés au peuple. Mr le Président Mittérand était opposé à l’euthanasie. Anne Pingeot explique dans son livre « François Mittérand, portrait d’un ambigu », comment le médecin Jean-Pierre Tarot, aurait aidé l’homme de pouvoir à mourir. La mère de Mazarine parle des dernières heures de Mittérand qui avait demandé à son médecin : « Quand mon cerveau sera atteint, vous me liquidez, je ne veux pas rester dans cet état ». Dans la nuit, il lui a fait une injection pour qu’il repose en paix. Il a souvent dit à Anne Pingeot, qu’il ne voulait pas être « un légume ».

13- La légitime adaptation aux nouvelles pathologies s’impose.

   Grâce aux progrès scientifiques et médicaux, des maladies auparavant mortelles, sont devenues des maladies chroniques. Celles-ci imposent, en phase terminale, des souffrances inapaisables, dites réfractaires. Nous vivons beaucoup plus vieux, mais souvent accompagnés de multi pathologies incurables et douloureuses. Or, les demandes de ces patients qui réclament une aide active à mourir, sont disqualifiées au motif qu’elles résulteraient d’un isolement, de souffrance psychologique, d’une altération du discernement par la douleur ou, d’une volonté de ne pas être une charge pour leurs familles.

     14- Le rôle double et trouble de la SFAP.

         L’analyse suivante émane du professeure Martine Lombard.

   La Sfap (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs) met autant    d’énergie à combattre toute aide à mourir qu’à promouvoir les soins palliatifs, au point d’avoir réussi à faire croire à beaucoup que le développement des soins palliatifs exclut toute aide à mourir, et cela même pour les personnes victimes de souffrances réfractaires à tous les soins, y compris palliatifs. La Sfap confond deux combats, pourtant distincts, qu’elle entremêle sans cesse : promouvoir les soins palliatifs et exclure toute pratique d’aide active à mourir. La directrice de la Sfap déclare : « Nous portons des valeurs ». Ce « nous » qu’elle emploie désigne les membres de la Sfap en tant qu’ils partagent une communauté de pensée bien définie, qui figure en préambule des statuts de la Sfap et s’inscrit dans le prolongement de la position de l’Église catholique. Ceux qui dispensent des soins palliatifs […] se refusent à provoquer intentionnellement la mort ». Le discours de la présidente de la Sfap est reproduit sur le site Génèthique, dont la raison d’être est « le respect de la dignité intrinsèque de l’homme, de sa conception à sa mort naturelle », qui milite activement contre l’avortement et contre l’euthanasie. La directrice de la Sfap a participé à l’écriture du livre « Fin de vie, un enjeu de fraternité », avec Mgr d’Ornellas. Celui-ci s’oppose même aux travaux du CCNE (comité consultatif national d’éthique), qui est un organisme composé de médecins dont la mission est de donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la médecine et de la santé. Il fustige même ce respectable organisme, je cite : « sous prétexte de cas peu nombreux, le CCNE ouvre la voie à la relativisation de l’interdit de tuer ».

   Ce plaidoyer, à la mémoire de notre enfant, s’inscrit dans la promesse que nous avons faite, mon mari et moi-même, au-dessus de son corps sans vie, pour que plus jamais personne ne connaisse un tel sort.

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24 octobre 2021 7 24 /10 /octobre /2021 00:37

Mourir sans souffrir est un droit fondamental. Mon mari et moi avons vécu un drame familial d’une extrême violence. Notre fils de 20 ans, Hervé, hospitalisé en coma végétatif pendant 8 ans et six mois, a vécu une agonie atroce. De nombreuses personnes ont connu dans leur entourage la déchéance de ces fins de vie aussi inutiles que barbares avec l’interminable destruction d’êtres chers dans l’épuisante attente d’une mort inéluctable. Nous nous battons, depuis 15 ans, pour que soit reconnue l’assistance active en fin de vie quand il n’y a plus d’espoir. Dans de nombreux pays, la loi a évolué dans ce sens. Le livre que j’ai écrit, « Le choix ultime », est un argumentaire exhaustif de ce que la loi actuelle propose. Mon témoignage et celui de nombreuses personnes donnent un éclairage poignant de l’urgence à légiférer pour une médecine plus humaniste. La proposition de loi Falorni en serait la garante.

Vous trouverez en photo jointe le bon de souscription. Nous prenons à notre charge les frais d’envoi.

Merci, Madame Monsieur de bien vouloir, s’il vous plaît, faire suivre à vos connaissances le bon de souscription.

Très cordialement.

Danièle Pierra

 

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20 mai 2019 1 20 /05 /mai /2019 14:45

Je suis la mère d’Hervé Pierra.

Mon fils est resté plongé pendant 8 ans ½ dans un coma végétatif chronique irréversible, à l’âge de 20 ans. Il était figé dans une grande rigidité, totalement inconscient et paralysé. Il respirait par trachéotomie et était nourri par sonde de gastrostomie. Il s’étouffait chaque jour, depuis le début de son calvaire dans ses propres glaires, déglutissant à minima. Affecté de problèmes pulmonaires persistants, dus à la présence de bactéries multi résistantes, il était souvent en isolement. Sa position fœtale, ses attitudes viciées avaient provoqué une plaie atone grave (escarre au 4 ième degré). Il est décédé en 2006, après notre requête d’application de la loi Léonetti (du 22 avril 2005). Ce parcours, semé d’embûches, a duré 18 mois. Les plus hautes instances politiques et médicales de l’époque étaient intervenues. Les IRM attestaient de lésions cérébrales très importantes et irréversibles. Tout en reconnaissant le « coma végétatif » de mon fils (comme ils l’écrivaient eux-mêmes), les médecins décidaient de ne pas appliquer la loi par peur infondée pour leurs carrières. Le comité d’éthique de Cochin avait donné son aval ainsi que le professeur Régis Aubry missionné par le député Jean Léonetti. Le corps médical a dû s’exécuter.

Après le retrait de la sonde de gastrostomie, notre fils est mort en 6 jours cauchemardesques, soumis à des convulsions insoutenables, brûlant, avec un teint cireux, cyanosé. Il s’agit, dans notre cas, qui a été médiatisé, d’un « laisser crever », comme l’a écrit Monsieur le député Jean Léonetti dans son livre « à la lumière du crépuscule ». Par peur d’être accusés d’euthanasie, les médecins ont fait durer son agonie et se sont octroyés le droit, dans le même esprit, de ne pas le sédater (médicaments anti douleur). Nous avons vécu l’horreur et nous nous battons, promesse faite à l’âme de mon fils pour que plus jamais personne ne vive une telle inhumanité.

Le professeur Puybasset, spécialiste des états végétatifs chroniques irréversibles, dénonce : « à ces égards, l’état végétatif est la plus extrême des situations inextricables créée par la médecine. L’épouvantable revers de la réanimation moderne, n’est jamais un état naturel. Ce n’est pas par hasard, si plusieurs affaires médiatiques qui nourrissent la demande d’aide active à mourir, concernent des personnes végétatives, comme Hervé Pierra en France ou Terri Schiavo aux Etats Unis ».

Sauver notre fils, qui ne pouvait plus vivre, par la libération de la mort, a été la plus difficile preuve d’amour abnégation que l’on pouvait donner à notre enfant. Nous avions choisi d’habiter à quatre kilomètres de la structure où il était hospitalisé, afin que je puisse chaque jour, lui parler, le caresser, communiquer avec son âme. Je ne voulais pas qu’il se sente abandonné, même s’il n’était déjà plus parmi nous. Je lui racontais la vie de ses sœurs, la vie dehors, la vie tout court, le cadeau qu’il était pour nous et restera toujours, l’amour indicible que nous éprouvions et éprouvons pour lui. Peut-être son âme, quelque part dans cette chambre d’hôpital, nous entendait-t-elle !

Mon mari, persécuté par la souffrance, par l’insupportable, le visitait toutes les semaines, lui donnant les résultats de foot, de tennis, lui livrant dans un chagrin non contenu toute l’actualité sportive, passion qu’ils avaient en commun.

Nous avons reçu beaucoup d’amour et la compassion de tous. Monsieur le député Jean Léonetti et quatre autres députés nous ont auditionnés dans le cadre d’une commission d’enquête sur la fin de vie en France, pour une évaluation en mai 2008. Le climat était respectueux et empathique. Les médecins du conseil national de l’ordre des médecins nous ont reçus et présentés leurs excuses au nom de la médecine française. De cet échange est née la modification de l’article 37 du code de déontologie qui stipule qu’un patient qui ne peut être évalué du fait de son état cérébral doit être sédaté après une limitation ou l’arrêt des traitements. Les médecins, y compris les détracteurs de l’euthanasie (docteur Levallois, Puybasset, l’éminent généticien Axel Khan) nous ont réservé, dans leurs écrits ou leurs déclarations, un accueil chaleureux, bienveillant. Le sociologue Philippe Bataille nous soutient dans un combat commun pour le droit à l’aide active à mourir.

Mon époux et moi-même étions conscients que la loi Léonetti du 22avril 2005, ne permettrait la délivrance de notre enfant que par une euthanasie passive (qui ne dit pas son nom) et non une euthanasie active. Ce protocole qui consiste à ne plus alimenter et hydrater un patient est la source de tous les maux, on attend que le patient s’éteigne. Un amendement prévoyait alors le double effet de la sédation, c’est à dire, le premier effet est la sédation en elle-même, le second effet risque d’aboutir au décès (notre enfant a eu la malchance de ne pas être sédaté). C’est une façon de pratiquer l’euthanasie en ayant bonne conscience ! « ce n’est pas moi, ce n’était pas voulu ! ».

La loi de février 2016 instaure la sédation profonde et continue qui, sous un autre vocable, signifie la même chose. Tous ces petits arrangements de sémantique interprétables, subjectifs, laissés à l’arbitraire des médecins, sont vecteurs de catastrophes. La sédation profonde et continue est inappropriée pour ces situations d’état végétatif chronique irréversible. A partir de quand déclencher le compte à rebours qui conduit à la mort, il ne s’agit pas d’une maladie, mais d’une non vie ? Nous recueillons, mon mari et moi, des témoignages poignants de familles en détresse qui voient s’éteindre leurs proches au bout de deux, trois semaines, avec des corps dégradés, décharnés. Ces horreurs ont aussi été relatées par Monsieur Philippe Bataille et le comité d’éthique de l’hôpital Cochin. Ce dernier, dans un article publié dans le journal Libération du 28 février 2014 évoque l’agonie de 21 bébés grands prématurés. Toute l’équipe médicale était anéantie. La lecture de cet article est insoutenable.

Nous n’avons pas trouvé auprès des intégristes catholiques la même écoute empathique, ils nous ont cloués au pilori. Monsieur Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita (manif pour tous), nous taclait ainsi : « …spectaculaire agonie provoquée par une décision parentale ». Quelques ignominies plus loin, il rajoute, concernant Mari Humbert, « voilà qu’on érigeait en modèle d’amour, une femme capable de donner la mort à son enfant, au nom d’un parallélisme terrifiant : je lui ai donné la vie, n’ai-je pas le droit de lui donner la mort ». Il poursuit : « les pleureuses sont assurément télégéniques ». Dans le journal Riposte Catholique, dans une pure tradition de charité chrétienne, l’auteur écrit : « ...Hervé est mort dans d’atroces souffrances », « les parents et le lobby de l’euthanasie, en tirent arguments pour réclamer le droit de mourir, de mourir vite! ».

Chacun de nous devrait écrire ses directives anticipées, pour le cas où il se trouverait dans l’incapacité de s’exprimer à cause de son état de santé. Cela peut se faire sur papier libre daté signé.

Vincent Lambert.

Il est aussi une victime collatérale des progrès de la réanimation , celle-ci n’assure pas ses responsabilités dans un second temps, lorsque le coma ou l’état végétatif est avéré. Le cas spécifique de Vincent, connaît l’ampleur qu’il a maintenant à cause d’une querelle familiale. Cette « guerre s’inscrit, en dehors de tout clivage politique et toute querelle d’égo, elle s’apparente plus à une croisade, croisade pour l’intégrisme catholique et croisade contre la laïcité. Victor Hugo doit se retourner dans sa tombe, qui déclarait : « l’état chez lui, l’église chez elle ! ».

Le cadre est posé par Joseph Lambert (frère de Vincent) dans le journal l’Obs société du 13 février 2014 : « Aujourd'hui, ma mère est partie dans un combat qui n'est plus seulement celui d'une mère pour son fils. Mes parents auraient pu louer un appartement à Reims pour être plus proches de Vincent. Mais ma mère ne pouvait pas quitter la Drôme, où elle s'est installée pour se rapprocher du monastère Sainte Madeleine du Barroux, où l'un des mes demi-frères a longtemps été moine. La religion, c'est tout pour elle. »

La journaliste Doan Bui poursuit : « Très catholiques, Viviane et Pierre Lambert avaient pourtant déjà l'un et l'autre une famille quand ils se sont rencontrés. Lui était gynécologue, militant anti-avortement, elle, assistante, distribuait aussi des tracts pro-vie. Les enfants Lambert ont grandi dans cet univers corseté, élevés dans des pensions de la Fraternité Saint-Pie-X. Vincent, lui, se révolte durant l'adolescence, c'est un garçon entier, extrême, avec sa part d'ombre, ses blessures secrètes et une rancoeur sourde contre ses parents, celle de ne pas avoir été assez protégé enfant.

Comme leur aîné, Joseph et Marie ont choisi de s'éloigner de cette religion écrasante à la maison, où il fallait le dimanche "faire le chapelet". Seule leur soeur Anne est restée du côté des parents. Elle s'est également portée partie civile, même si elle semble dépassée par la tournure qu'ont pris les événements. « Vincent avait profondément rejeté les valeurs de mes parents, je leur en veux beaucoup de l'utiliser pour leur croisade », note Joseph qui ne leur a quasiment plus adressé la parole depuis !

La fraternité sacerdotale Saint Pie X, est une société de prêtres traditionalistes. Cette congrégation rigoriste et révisionniste a un passé émaillé de scandales. L’association AVREF, association d’aide aux victimes de dérives de mouvements religieux dénonce des crimes, des viols et des tortures. La FSSPX a orchestré des diffamations, intimidations et menaces de mort sur les médecins de Vincent qui, tour à tour, ont « jeté l’éponge ». Son fondateur, Monseigneur Lefèbvre déclarait, au mépris de la loi de séparation de l’église et de l’état, dans une pure tradition anti démocratique : « voter socialiste, c’est voter contre Dieu ! ».

La position des parents de Vincent est éclairée par les propos de six membres de cette famille qui ont cosigné une tribune dans le journal l’Express : « Ils critiquent sans cesse la loi Léonetti et prétendent défendre les 1700 patients qui sont plus ou moins dans la même situation que lui. Tout cela traduit uniquement une position de principe: on ne peut pas débrancher ces patients, quels qu'aient pu être leurs souhaits. Nous appelons ça de l'idéologie, visant à défendre une cause intégriste. Termes que nous assumons totalement ».

Nous sommes tous et toutes des victimes potentielles de ces pratiques incontrôlées. Il suffit de quelques minutes sans oxygénation du cerveau (accident, suicide, AVC, crise cardiaque etc.) pour rejoindre le rang de ces condamnés qui ne peuvent plus vivre et n’ont pas le droit de mourir. Mourir devient un droit, un droit à revendiquer.

Madame Marie-Geneviève Lambert, demie sœur de Vincent, s’est exprimée à ce sujet sur son blog du « Huffington Post » "La situation de Vincent est la conséquence d'une performance scientifique qui est allée très loin sans pouvoir le ramener complètement parmi nous. Vincent est abandonné entre la vie et la mort, à ce qui, dans la nature n'est vécu qu'au stade de l'agonie: une agonie pendant des années, biologiquement stabilisée, monstrueuse, et qui va, on le sait maintenant, inexorablement vers une détérioration." Cette famille, unie contre les parents et une sœur, interpelle actuellement la ministre de la santé Agnès Buzin et la met face à ses responsabilités : « non, il ne va pas mieux, il n’a pas récupérer le réflexe de déglutition ».

Notre très Saint Père au double visage, tantôt progressiste, tantôt conservateur, se plaît à brouiller les pistes. C’est sans scrupule qu’il s’adonne à l’art de l’amalgame malsain en rapprochant l’aide active à mourir au terrorisme et à la guerre. Les directives publiées par la puissante congrégation pour la doctrine de la foi, ordonne la poursuite de l’alimentation et de l’hydratation à un patient par voie artificielle même s’il se trouve dans un état végétatif avancé (s’opposant ainsi au fondement de la loi Léonetti).

L’agitateur en chef, l’avocat Maître Jérôme Triomphe, avocat des parents de Vincent, déclare sur les ondes de « radio courtoisie » : « c’est la première fois qu’un avocat plaide pour un condamné à mort. Pour l’instant, les autorités religieuses ne sont pas intervenues, honte à elles, elles devront en rendre compte devant le tout puissant ». Il faut dire que le « saint homme » a un sacré pedigree ou plutôt un pedigree sacré, il est également avocat de l’association fondamentaliste catholique Civitas.

Monsieur Jean-Frédéric Poisson, président du parti chrétien démocrate, successeur de dame Boutin, évoque concernant Vincent : « le meurtre par préméditation ».

Je décerne, en toute humilité bien sûr, la palme d’or au comité international des droits des personnes handicapées de l’ONU qui se fend du communiqué suivant : « il faut souligner une chose importante, c’est qu’outre les aspects factuels, Vincent Lambert n’est pas en état végétatif, en tout cas, pas tout le temps ». Je m’interroge, sont-t-ils sains d’esprit ou pas tout le temps ?

Quelle morale transcendante nous condamne-t-elle à tant de cruauté ?

Ce sont bien les effets des progrès de la réanimation qui sont à l’heure actuelle transgressifs de la loi naturelle. Cessons ces souffrances institutionnalisées ! Je prie Dieu de nous délivrer des trois religions monothéistes et autres sectes, de tous ces faiseurs de chaos. J’en ai assez du dolorisme érigé en vertu chrétienne. Je suis croyante mais catholique par tradition familiale et farouche opposante à toute religion par analyse critique et par conviction.

J’ai une pensée pour Vincent Lambert, pour François son neveux, que nous connaissons et dont nous admirons la combativité et la bienveillance. Nous souhaitons le meilleur à Rachel, l’épouse de Vincent. Quelque soit l’issue de « l’affaire Vincent Lambert », nous espérons que chaque membre de cette famille trouvera l’apaisement.

J’ai une pensée pleine d’amour pour celle que l’on n’évoque jamais, la fille de Vincent Lambert, une petite fille innocente qui vit ce qu’aucun enfant ne mériterait de connaître. Qu’elle nous pardonne collectivement. Elle aura toute légitimité plus tard de dire que :  « parfois les grands, déchirés par leurs passions, semblent perdre la raison.

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15 avril 2018 7 15 /04 /avril /2018 18:23

A lire absolument un témoignage bouleversant de Madame Annie BABU. 

La sédation profonde et continue de la loi Claeys-Leonetti

réelle avancée ou jeu de dupe ?


 

Tribune parue dans le Journal International de Médecine le 14 avril 2018


 

Paris, le samedi 14 avril 2018 - Destinée à répondre aux limites de la première loi Leonetti sur l’accompagnement des personnes en fin de vie, la loi Claeys-Leonetti, adoptée en février 2016, a notamment instauré un droit à « la sédation profonde et continue ». Cette dernière peut être demandée par les personnes "en fin de vie", répondant à certains critères et doit être mise en place, si ces derniers sont remplis, par l’équipe médicale. Ce texte a été présenté par les décideurs politiques comme un consensus parfait permettant de satisfaire ceux qui appellent depuis des années en France à une légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté et ceux qui redoutant les dérives et défendant une conception différente de la fin de vie et de la liberté de choisir refusent une telle évolution.

Pourtant, beaucoup ont été déçus. Les premiers ont en effet considéré que ce texte continuait à réserver aux médecins la décision finale. Ils ont surtout regretté que cette méthode ne permette pas un choix réel du moment de sa mort. L’endormissement prive en effet de derniers instants de lucidité et ne permet pas d’être totalement assuré de l’absence totale de souffrance (puisque le contact avec la personne est rompu). Les opposants à l’euthanasie et au suicide assisté sont nombreux à partager ce sentiment que la dignité offerte par la sédation profonde et continue est une dignité déguisée, altérée, puisque la conscience est absente. Ces derniers s’inquiètent par ailleurs d’un risque de dérive. Mais au-delà de ces réflexions qui demeurent théoriques jusqu’à l’instant d’accompagner un proche (ou de mourir soi-même !), comment se passe réellement la sédation profonde et terminale ?

Militante en faveur de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté (elle a été pendant des années déléguée de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité avant de rejoindre l’organisation Le Choix - Citoyens pour une mort choisie), Annie Babu, assistante sociale, infirmière et pionnière en France de la médiation familiale, témoigne de son expérience.

Dans son récit, composé avec l’écrivain Marie Godard fondatrice de l’association Le Choix - Citoyens pour une mort choisie, elle rappelle tout d’abord l’écart qui existe entre une conviction militante, fondée sur des années de réflexion, et le vécu.

Elle avoue ainsi qu’elle a dû, au moment d’accompagner son compagnon, se renseigner sur la mise en place d’une sédation profonde en Hospitalisation à domicile (HAD), tandis qu’elle révèle comment elle n’avait pas envisagé l’ensemble des enjeux, notamment ceux concernant le ressenti des médecins.

Mais surtout, cette expérience, même si l’accompagnement médical dont son compagnon a bénéficié a été optimal et même si la sédation a pu être mise en place d’une manière adaptée (en dépit de quelques détours et ratés), a renforcé sa conviction que la sédation profonde et continue ne saurait être la réponse à toutes les demandes et à la conception que beaucoup se font de la mort dans la dignité.

En signalant les problèmes posés par l’anéantissement de la conscience, en revenant sur des possibles inégalités, en s’interrogeant sur le respect des directives anticipées, elle soulève des questions qui, à travers ce témoignage sans animosité et sans militantisme, interpelleront probablement beaucoup de nos lecteurs, quelles que soient leurs convictions profondes.

Cette contribution enrichira également la réflexion à l’heure où les Etats généraux de la bioéthique reviennent encore sur ce sujet et au lendemain de l’adoption après un riche débat d’un avis favorable à la légalisation de l’euthanasie par le Conseil économique social et environnemental (CESE). 

Par Annie Babu (assistante sociale et infirmière) et Marie Godard (écrivain), membres fondatrices de l’association Le Choix -Citoyens pour une mort choisie (https://www.mortchoisie.org/ )


 

************************

Annie a perdu son compagnon il y a maintenant deux ans et c’est la première fois qu’elle arrive à raconter ce qu’ont été les dernières semaines de sa vie avant qu’il ne soit emporté par la maladie.


Le témoignage d’Annie arrive à un moment clé, pendant les États Généraux sur les lois de bioéthique et permettra, je l’espère, de mettre en lumière un aspect de la fin de vie dont on parle peu.

Annie, toi qui as accompagné Claude, ton compagnon, qui a bénéficié, en février 2016, d’une sédation profonde et continue à domicile, accepterais-tu de partager ton expérience avec nous ?

Oui, bien sûr, car je pense qu’on connaît mal la façon dont se déroule cette dernière étape de la vie d’un malade, un parcours qui, pour moi, a été long et très douloureux et m’a amenée à me poser de nombreuses questions.

Même si je fais partie des personnes qui ont des connaissances approfondies sur le sujet de la fin de vie et que mon compagnon avait depuis longtemps réfléchi à ce qu’il ferait le moment venu, j’ai quand même dû aller à la recherche d’informations techniques précises sur la façon dont la sédation profonde et continue se déroulait. C’est auprès de l’équipe responsable de l’hospitalisation à domicile  (HAD) qui suivait Claude depuis trois mois que je les ai obtenues.

Dans un premier temps, nous avons tous les deux longuement discuté avec cette équipe (médecin, psychologue, cadre de santé) et il a été convenu que, lorsqu’il le souhaiterait, Claude formulerait officiellement sa demande auprès de l’équipe soignante.

Le ressenti, jusqu’alors non pensé, du médecin

Je n’avais jamais réfléchi à ce que pouvait ressentir un médecin qui donnait son accord à un malade pour qu’il soit placé sous sédation profonde et continue, ce qui signifiait, à toutes fins utiles, qu’il renonçait à combattre la maladie et acceptait de poser un acte qui entraînerait la mort.

C’est lorsque le médecin référent de Claude a refusé d’acquiescer à sa demande, à la fois pour une question d’éthique personnelle car elle estimait que ce n’était pas le rôle d’un médecin que d’aider un malade à mourir et aussi parce qu’elle avait créé des liens forts avec Claude qui lui rappelait son père, que j’en ai vraiment pris la mesure. Mais comme Claude était déterminé, je lui ai demandé avec insistance de trouver un confrère qui accepte de mettre en œuvre le protocole quand Claude le demanderait, ce qu’elle a consenti à faire.

Après qu’un autre médecin a accepté de prendre le relais, il s’est écoulé un certain temps avant que Claude me dise qu’il souhaitait réitérer sa demande.

Le médecin et l’équipe soignante ont alors eu un nouvel entretien avec Claude afin qu’il reconfirme sa décision hors de ma présence.

Une date proche a été fixée pour installer le matériel nécessaire à notre domicile. Le médecin nous a expliqué que la machine serait reliée d’un côté au produit sédatif et de l’autre côté, à un cathéter inséré dans le bras de Claude ; qu’elle enverrait régulièrement des petites doses qu’on appelle "bolus" d’un médicament sédatif qui provoquerait un endormissement de plus en plus profond et que la mort surviendrait quelques jours plus tard. Elle a insisté sur le fait que dès le premier bolus, Claude deviendrait inconscient et nous ne pourrions plus communiquer avec lui.

Le médecin a précisé qu’en cas de forte toux (Claude, du fait de sa maladie, avait de fréquentes quintes de toux qui l'étouffaient) le niveau de la sédation pourrait diminuer et qu’il faudrait alors accélérer le rythme de distribution des bolus en appuyant sur un bouton pour déclencher la diffusion d’une nouvelle dose. Puisque j’étais toujours auprès de lui, il m’appartiendrait donc de le faire.

À l’issue de cet entretien, Claude et moi étions désormais tout à fait au courant de la façon dont le protocole se déroulerait.

Changement d'avis 

Le jour dit, le médecin est arrivé seule et après avoir installé la machine, elle a demandé à voir de nouveau Claude en tête à tête. À l’issue de leur entretien, elle est ressortie de la chambre et m’a annoncé que Claude avait refusé la sédation et acceptait d’être placé dans un lit médicalisé et que les doses de morphine soient augmentées (ce qui aurait pour effet d’altérer de plus en plus sa conscience). Il a aussi accepté de porter des protections, toutes choses qu’il avait toujours refusées jusqu’alors.

Je me suis effondrée car tout le difficile travail préparatoire qui l’avait amené à accepter cette mise sous sédation et que je voyais comme une libération pour lui, était remis en cause.


Voyant mon état, le médecin m’a demandé de ne pas rester à son chevet cette nuit-là, et m’a rassurée en me disant que la fille de Claude prendrait le relais.

À mon arrivée le lendemain, j’ai vu que Claude était dans une autre pièce de la maison dans un lit médicalisé, et qu’une bouteille d’oxygène se trouvait près de son lit. Je me suis installée sur un matelas près de lui afin de le rassurer car j’ai rapidement constaté  que, sans doute à cause de la morphine, il perdait de plus en plus ses repères et que souvent, il ne savait même plus qui il était, qui j'étais, ni où il était.

Cela a duré une dizaine de jours, très éprouvants, pendant lesquels l'équipe  de  l’HAD a continué de venir trois, voire quatre fois par jour, pour lui prodiguer des soins.

Temps suspendus

  Dans un de ses rares instants de lucidité, Claude a pu me dire pourquoi il avait changé d’avis : il n’était pas encore prêt à renoncer à nos doux moments d'échanges, verbaux et non verbaux, chargés d’émotion et de tendresse, pendant lesquels nous ne parlions pas de ce qui lui arrivait mais vivions, en toute conscience, les derniers instants de notre vie de couple. Il ressentait ces "temps suspendus" comme une accalmie qui l’aidait à accepter sans se plaindre ce qu’il endurait.  

Mais pourtant, une dizaine de jours plus tard, Claude m’a dit : « Cette fois c’est fini ». « Qu’est-ce donc qui est fini ? Qu’attends-tu de moi ? ». «  Cette fois, tu appelles le médecin, cette fois, la sédation, je ne la refuserai pas. Je veux qu’on me libère pour que tu sois aussi libérée. J’ai l’impression que tu es devenue mon esclave ». Claude n’avait pas peur de la mort car il croyait dans un au-delà. C’est la déchéance qu’il craignait par-dessus tout, même s’il l’a acceptée par amour pour moi, mais là, il n’en pouvait plus.

 Alors, comme il le voulait, j’ai pris contact avec le médecin pour lui faire part de sa volonté.

  Ainsi qu’il le souhaitait, l’équipe soignante allait relancer le protocole, une étape qu’il aurait beaucoup de mal à franchir car il savait qu'à partir de ce moment-là, il ne pourrait plus communiquer avec moi, tandis que les soins palliatifs seraient poursuivis pendant qu’il serait sous sédation et deviendrait de plus en plus inconscient et dépendant. L'équipe de l’HAD est venue s'entretenir avec lui. Quelques jours plus tard, le médecin est revenu avec la machine et a obtenu, cette fois, son consentement.


 


 

Au revoir

Ensuite, le médecin m’a laissée un moment seule avec lui, pour que nous puissions nous dire au revoir car nous savions que, dès la première injection, nous ne pourrions plus nous parler. Ce moment fut intense et bouleversant mais plein d'amour et de sérénité, car tous les deux nous étions prêts, lui à partir, moi à le laisser partir.


Alors que je tenais ses mains dans les miennes et que nous nous regardions intensément, le médecin a appuyé sur le bouton. Un bip s’est fait entendre et très vite Claude a fermé les yeux pour ne plus les rouvrir.


A partir de ce moment, Claude ne s’est plus réveillé mais je l’entendais souvent gémir, et dans l’espoir de le soulager, je lui caressais les mains, le visage et je continuais à lui parler. Je ne peux pas affirmer qu’il souffrait mais j’observais des grimaces sur son visage et des contractions dans tout son corps.

Absences

La première nuit, l’appareil s’est brusquement arrêté. J’ai aussitôt appelé l’infirmière de garde qui m’a dit qu’elle ne pouvait pas venir avant deux heures, qui m’ont semblé interminables. J’ai senti à la fin de ce laps de temps que Claude redevenait plus présent, que ses tremblements étaient plus accentués et qu’il était en train de sortir de la sédation.

L’infirmière est enfin arrivée et a pu remettre l’appareil en marche. Elle m’a avoué avoir oublié de mettre la batterie de secours, ce qui m’a amenée à m’interroger sur les possibilités d’une surveillance aussi rapprochée en milieu hospitalier, quand on connaît la pénurie de personnel qualifié…

Le surlendemain, j’ai dû m’absenter pendant une heure et à mon retour, mon fils, qui était resté au chevet de Claude, m’a annoncé, les yeux brouillés de larmes, que Claude avait rendu son dernier souffle, un peu plus de 48h après le début de la sédation.

J’ai été encore plus triste de le voir partir parce que je n’étais pas présente lorsqu’il est mort. J’aurais tant voulu pouvoir lui tenir la main et recueillir sur ma joue son dernier souffle. Mais comme le moment de sa mort était imprévisible, je n’étais pas là…

Comment Claude a vécu la fin de sa vie ?

Claude avait rédigé ses directives anticipées il y a 20 ans et les avait mises à jour en 2016 pour indiquer qu’il voulait bénéficier d’une sédation profonde et continue, ainsi que le permettait désormais la loi Claeys-Leonetti. Il avait également prévu que, si son état et ses moyens financiers le lui permettaient, il partirait en Suisse ou en Belgique pour y mourir, même s’il espérait qu’une loi serait votée qui lui permette de finir sa vie chez lui, entouré de ses proches, et en pleine conscience, grâce au suicide médicalement assisté.


Je sais, parce que nous en avons beaucoup parlé, que si Claude a accepté d’aller au-delà de ce qu’il pensait pouvoir supporter, c’est parce qu’il avait la chance d’être très entouré et surtout parce qu’il avait l’assurance de pouvoir au moins obtenir d’être mis sous sédation lorsque sa vie aurait complètement perdu son sens.

Je ne sais dire si Claude a beaucoup souffert pendant qu’il était sous sédation et si sa mort fut paisible et cela restera toujours pour moi une grande interrogation. Comment aujourd'hui être totalement certain, même avec ce recours à la sédation profonde et continue et à tous les dérivés morphiniques qui y sont associés, qu’il n’y a aucune souffrance dans cette façon d’aller vers la mort ?

Et surtout, pourquoi faire durer cet interminable passage vers l’au-delà quand la personne est prête et accompagnée ? Pourquoi lui infliger de souffrir plus longtemps que ce qui est supportable ? Pourquoi ses proches devraient-ils vivre autant d’inquiétude, d’incertitude ?

Quels enseignements as-tu tirés de cette douloureuse expérience ?

D’abord cela m’a convaincue qu’il est impératif que chacun soit maître de sa vie jusqu’au bout, ce qui ne peut arriver que si l’on a l’assurance que notre choix sera entendu et respecté. La loi actuelle ne traite en fait que de soins palliatifs, comme si ceux-ci étaient la solution à toutes les situations de fin de vie alors que c’est loin d’être le cas. Il faudrait que soit votée une autre loi qui donne au malade un vrai choix sur sa fin de vie.

Un autre élément important qui est à mes yeux inadmissible est que la loi Claeys-Leonetti continue de laisser le dernier mot aux médecins puisqu’il est clairement écrit qu’ils peuvent ignorer les directives anticipées du malade s’ils les jugent inappropriées. Et même lorsque celles-ci sont respectées, ce qu’autorise la loi, sans doute pour préserver le mythe de la mort naturelle, se résume à endormir quelqu’un jusqu’à ce qu’il meure de faim et de soif, ce qui est, à mes yeux, profondément choquant.

Rester présents jusqu’au moment ultime

Pourquoi la fin de vie reste-t-elle un sujet si tabou en France ?  Pourquoi  faut il accepter une loi lâche et, je le redis, hypocrite, qui autorise le "laisser mourir", alors que l’on pourrait, grâce à une loi plus courageuse, éviter aux malades qui le souhaitent, d’avoir à traverser de cette façon leur fin de vie ?


Si une telle loi avait existé quand Claude est mort, nous aurions pu être à ses côtés pour lui dire une dernière fois que nous l’aimons car le moment de sa mort aurait été programmé. Ça, pour moi, est peut-être le plus difficile à accepter…

Et comme si tout cela n’était pas assez, pour de nombreux Français, la loi actuelle est ressentie comme une grande injustice sociale car on sait qu’il est possible à ceux qui en ont les moyens, de se rendre, certes au prix de l'exil, en Belgique ou en Suisse, pour y mourir rapidement, en pleine conscience et les yeux ouverts, en laissant à leurs proches l’image de la sérénité.

Penses-tu que ton expérience reflète celle des pratiques actuelles en matière de fin de vie ?

Il m’est impossible d’en être certaine car il se pourrait bien que le fait que j’aie été très informée et que la fin de vie de Claude se soit déroulée dans un contexte médical optimal, avec une équipe très présente et très disponible avec laquelle j’ai pu dialoguer, ne soit pas à l’image de ce qui se passe pour tous. Qu’en est-il lorsque Monsieur et Madame Tout le Monde ne disposent pas de toute l’information et sont confrontés à un milieu médical moins ouvert et qui n’est parfois pas encore suffisamment informé de ce qui est autorisé en vertu de la loi ?

Inégalités

Je me pose aussi la question de savoir si tous les endroits qui accueillent des gens en fin de vie ont l’équipement nécessaire. Que se passe-t-il dans toutes les régions de France où les services de soins palliatifs sont pratiquement inexistants ou totalement insuffisants, et dans les nombreux hôpitaux où le personnel n’est tout simplement pas formé à la fin de vie ?

Ce que je ne risque pas d’oublier, c’est que pendant les quelques jours où Claude a été placé sous sédation, j’avais le douloureux sentiment d’avoir en face de moi un corps inanimé qui n’appartenait plus qu’à la médecine, qui n’était plus qu’un objet auquel on apportait des soins qui n’avaient plus de sens.

Mais pourquoi faut-il que les législateurs et les médecins se donnent bonne conscience en prolongeant inutilement la vie alors qu’il existe d’autres solutions plus rapides, moins douloureuses, moins coûteuses pour tout le monde, moins traumatisantes et plus dignes pour les malades et leurs proches ?

Cela me rappelle un article que j’ai lu dans Libération en décembre 2013, dont le titre est « J’ai tendu la potion létale » qui témoignait d’une fin de vie par suicide assisté, où la mort a pu survenir sans attendre ce délabrement final, sans souffrance et en respectant la volonté d’une personne qui voulait « être présente et lucide jusqu’au bout ».

Comment est-il possible encore aujourd’hui, alors que les Français demandent très majoritairement à pouvoir choisir leur fin de vie, que la seule possibilité qui leur est offerte soit cette sédation profonde et continue, un protocole que mon expérience personnelle m’autorise à ne pas considérer comme une réponse satisfaisante, tant s’en faut, à l’angoisse de nombreux citoyens qui veulent avoir le droit de choisir leur mort ?

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29 mars 2018 4 29 /03 /mars /2018 18:06

Analyse de la déclaration des 118 évêques de France.

 

La déclaration des évêques de France du 22 mars 2018, m'incite à proposer mon modeste éclairage sur ces questions de fin de vie qui nous concernent tous. Le sens de la valeur "Fraternité" est ici dévoyé à des fins purement dogmatiques. Depuis 1901 et la séparation de l'église et de l'état, celle-ci n'a pas à s'immiscer dans le débat législatif. Victor Hugo disait : "l'état chez lui, l'église chez elle" !

Tous les ressorts de la mauvaise foi sont convoqués dans l'argument suivant, je cite les évêques : "l'état pourrait-il se contredire et faire la promotion, même encadrée, de l'aide au suicide, tout en développant des plans de lutte contre le suicide". Ce faux paradoxe, cet ubuesque artifice semble émaner de cerveaux retors. Si j'ai bien compris, dans la même optique, je dirais : "comment l'état peut-il lutter en même temps contre la faim et contre l'obésité"! Absurdité à méditer. Ceci constitue un véritable camouflet à notre intelligence !

 

La transgression de l'impératif civilisateur ,"tu ne tueras pas", est avancée.

Mais, de quoi parle-t-on ? D'aider à mourir par suicide assisté des personnes en fin de maladies incurables, en proie à des souffrances insupportables, à la suite de leurs demandes réitérées et validées par un collège de médecins. Où est l'homicide ? Les évêques vantent les nouvelles dispositions de la loi "Léonetti/Claeys" de février 2016 qui prône un endormissement quelques jours avant la mort naturelle. Problème : comment peut-on entamer ce sinistre décompte à partir d'une date (mort naturelle) inconnue de tous ? Il faut savoir que ce sordide protocole, s'achève par la vue de corps dénutris, décharnés, dont on nous disait, par le passé, qu'ils ne souffraient pas, avant de reconnaître une parfaite méconnaissance de certains paramètres. Je tiens pour coresponsables la hiérarchie catholique dans les actes de tortures et de barbarie infligés à mon enfant. Monsieur le député Jean Léonetti nous a auditionnés en 2008 à l'Assemblée Nationale, au sein de la commission d'enquête parlementaire. Il a qualifié dans son livre "à la lumière du crépuscule", la mort de mon fils de "laisser crever" ! Par quel Dieu, la hiérarchie catholique se croyait-elle missionnée pour avoir condamné (par son insistance à nous empêcher à légiférer) mon fils qui ne pouvait plus vivre (coma végétatif de 8 ans 1/2) à une double peine, celle de ne pas avoir le droit de mourir et celle de subir une agonie cauchemardesque, sans sédation ! Il devenait évident pour moi, que les religions étaient l'antithèse de l'amour, de la foi et de la compassion. Comment leur pardonner les 8 ans 5 mois et 12 jours de douleur de mon fils avec un retour à la vie impossible, avéré par IRM. Imaginez un jeune homme inconscient, trachéotomisé, nourri par sonde gastrique qui, déglutissant à minima, s'étouffait chaque jour dans ses propres glaires. C'est le lot de nombreux patients et cette situation, avec les progrès de la réanimation va empirer. Nous serons laissés pour compte, abandonnés à la frontière de la mort. Les victimes collatérales des progrès de la réanimation deviennent ainsi des objets d'expiation du péché originel pour "les ensoutanés" de toutes obédiences. Voilà un vivier inépuisable de sacrifiés des temps modernes ! Ces drames sont stigmatisés et sous évalués. C'est, en fait, juste la partie émergée de l'iceberg. Partout et de tout temps, le dolorisme fut érigé en vertu chrétienne. Ce fond de commerce est très ancien qui, dans la genèse 3.16, commande aux femmes : "tu enfanteras dans la douleur" !

La pathétique étude (journal Libération du 28/02/2014) de l'équipe clinique de l'hôpital Cochin, sur le cas de 25 enfants, nourrissons grands prématurés non viables, est à cet égard édifiante. Elle est un cri de douleur lancé par des parents, infirmiers, médecins, psychologues : "on a vécu l'enfer", "on arrivait plus à y aller", "cela a duré 18 jours", un médecin avoue : "au bout de 8 jours, la tentation de l'euthanasie devient lancinante"..... "dès que la peau se dégrade, c'est insupportable" !

La tentative d'opposition de l'église aux dons du Téléthon a été une nouvelle manifestation de leur obscurantisme (source Golias du 2/12/2006).

La propension des hauts dignitaires religieux à décliner, à l'absurde, l'inoxydable commandement "tu ne tueras pas", me pousse à analyser en situation, l'application de celui-ci par l'église.

 

La mise en perspective de la notion de justice des évêques.

Passons sur 2000 ans de massacres, croisades, guerres de religions, soutiens de nazis en fuite, shoah rwandaise, j'en passe et des pires, pour regarder plus près, très près, dans le temps et dans l'espace ce qu'il en est aujourd'hui. Combien de vies sont raflées par l'injonction faite aux chrétiens, surtout à ceux qui n'ont pas la chance d'être instruits, de proscrire le préservatif. Cette interdiction, surtout en Afrique subsaharienne, cause de très nombreux décès, dont d'innocents bébés.

L'histoire de l'église catholique contemporaine est jalonnée des "gestes fratricides". La pédophilie des prêtres dénoncée grâce à un mouvement mondial, reléguée en France par les initiateurs de "la parole libérée", reste impunie. Le chapitre 2 de l'enseignement des 12 apôtres commande pourtant : "tu ne souilleras point les enfants" ! Le vrai problème réside dans l'attitude protectrice des criminels qui, pour la plupart, ont avoué leurs crimes. La hiérarchie catholique use de stratagèmes aussi divers qu'offensants pour la communauté des vivants (voir le documentaire du 21/3/2018 sur fr3 "un silence de cathédrale" de Richard Puech encore visible sur le net. Egalement à lire aux éditions J.C. Lattes "l'église, la mécanique du silence"). On peut entendre : "il n'y a pas de péchés sans miséricorde". Or, le pardon n'a rien à faire en matière criminelle. La pédophilie est un crime et relève de la justice. Les criminels sont affectés dans différentes paroisses où certains récidivent. L'un d'entre eux a même été déplacé au Vatican. En 2000, l'évêque du Calvados, Mgr Piquant, écope de 3 mois de prison avec sursis pour avoir couvert les actes pédophiles d'un abbé. A la question des journalistes, sur le parvis du palais de justice : "aujourd'hui le dénonceriez-vous ?", la réponse fut courte et incisive : "non !". Un mois plus tard, il se rend à l'assemblée plénière de Lourdes ou il reçoit une " standing ovation" comme héros qui a résisté à la justice de la République !

Dans la présente déclaration des évêques est insinué que la justice ferait preuve de subtilités juridiques pour étouffer les problèmes de conscience. Il est à parier que celle-ci se montrera moins subtile avec le Cardinal Barbarin au mois d'octobre 2018. Elle n'a en effet que moyennement goûté l'humour du personnage. Mrg Barbarin s'était épanché publiquement sur les vertus salvatrices de la prescription : "grâce à Dieu, les faits sont prescrits" ! Il n'a écopé pour l'instant que d'un sermon au cours d'un procès canonique d'un autre âge. Cette manoeuvre dilatoire était juste un écran de fumée.

Une autre tactique consiste à créer de véritables zones de non droit. L'affaire de Tuam en Irlande, en est une illustration parfaite (Sources : journal "le monde" du 14/6/2014 sous le titre "les fantômes du couvent hantent la ville irlandaise de Tuam"; journal "le Figaro"; journal "le Parisien" et journal "l'Express"). Les cadavres de 796 bébés de 0 à 3 ans ont été découverts dans la fosse commune du couvent de Tuam. Nous devons aux travaux d'une historienne locale, Madame Catherine Corless, d'avoir étudié et divulgué cette affaire. Ces bébés étaient nés hors des liens sacrés du mariage et, maltraités, ils mouraient très  jeunes. Ils étaient alors jetés sans sépultures dans une fosse commune. Il s'agissait du si mal nommé "home des soeurs du bon secours". Jusqu'en 1960, les futures mamans étaient contraintes d'abandonner leurs enfants, fruits du péché. L'adoption ou la vente forcée d'enfants à de riches couples américains étaient l'usage. Cette affaire a inspiré le réalisateur Stephen Fears pour son film "philoménia" de 2013. Des témoins encore de ce monde ont témoigné de ces horreurs. Le journal "the guardian" du 4/6/2014 s'interroge à savoir si ces pratiques étaient isolées. Ce "home" était une congrégation de droit pontifical donc, seul le Pape peut intervenir. Malgré des saisines diverses et variées de survivants et d'institutions, rien ne bouge et le Vatican, se terre dans le silence. Voilà un bon moyen de ne pas être obligé d'avoir recours à la subtilité de la justice.

 

Leurs arguments contre une nouvelle loi sur la fin de vie.

Les évêques nous apostrophent sur l'urgence de prendre conscience des manipulations dont nous pourrions être victimes. J'appuie cette mise en garde en soulignant que différentes plateformes gouvernementales et autres présentent les enjeux du débat éthique amorcé par les "états généraux" sur la bioéthique.

La hiérarchie catholique mentionne que "les blessures du corps individuel sont des blessures du corps social" sans jamais le démontrer or, on pourrait aussi bien imaginer que l'intelligence sociale serait une sorte d'articulation entre l'individu et le collectif. La loi que nous espérons est une loi de liberté, elle ne contraint personne.

La parole de ceux qui demandent l'aide active à mourir est décrédibilisée. Les patients sont culpabilisés, infantilisés. Le refus d'accéder à leur requête serait motivé par l'isolement dont souffriraient ces patients et par leur discernement qui serait altéré par la souffrance.

Les évêques dénoncent l'aide active à mourir comme étant, non pas un geste compassionnel et légitime mais, un geste fratricide. Ils s'opposent ainsi à la grande majorité des français, aux 2000 médecins signataires du manifeste pour l'euthanasie, aux philosophes, aux sociologues travaillant sur ce sujet, comme Philippe Bataille.

 

Dans notre pays qui est de culture et de tradition chrétienne, l'attitude psychorigide de notre religion, aussi bien en matière de bioéthique que dans d'autres domaines sociétaux, conduit à une véritable désaffection des fidèles. Ainsi, une guerre de religion moderne qui tait son nom, laisse profiler l'apparition inquiétante d'autres obscurantismes, bien plus cyniques et cruels que ceux que nous connaissons déjà. Selon "psychologie magazine BVA", on pressentait depuis une vingtaine d'années, que religion et spiritualité ne se confondaient plus. Un bon tiers d'entre nous vit déjà une spiritualité à échelle humaine qui répond à nos questionnements métaphysiques et à nos aspirations : la première est celle de la recherche silencieuse du sentiment unique d'exister ; la seconde est celle de se sentir reliés au monde et aux autres. C'est par introspection que j'ai trouvé Dieu et chaque jour je lui adresse cette prière : "mon Dieu, délivrez-nous des religions"!

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7 décembre 2017 4 07 /12 /décembre /2017 17:40

Madame la Députée,

 

Noël approche, comme toutes les mamans du monde qui ont perdu un enfant, mon coeur saigne indubitablement, en ces périodes de fêtes. Chaque année, les restos du coeur ponctuent celle-ci, par une formidable mobilisation nationale. Leur chanson, telle une injonction, scande ces paroles : "aujourd'hui, on n'a plus le droit d'avoir faim et d'avoir soif"! Ces paroles résonnent en moi, avec effroi. Certes, on n'a plus le droit d'avoir faim ou d'avoir soif mais, pour certains, on a le devoir d'avoir faim et d'avoir soif. Ces paroles, cette souffrance institutionnalisée, cette contrainte, est le passage obligé pour avoir un accès légal à la mort, depuis 2005. Vincent Lambert était resté 30 jours sans être alimenté, avant le tragique revirement de ses médecins, sous la pression de sa mère et surtout sous la menace de sa congrégation la "fraternité sacerdotale Saint Pie X". La fraternité, appuyée par "l'opus deï", est si puissante qu'elle est contrevenue, en toute impunité, à la décision du conseil d'état (plus haute juridiction administrative de notre pays), de libérer Vincent Lambert. Preuve, s'il en est, que la religion, parfaite antithèse de la foi, fustige la démocratie et bafoue la laïcité.

 

Cette cruauté, en habit de religiosité, de posture philosophique ou de pseudo humanisme, s'offre "pour pas cher", une bonne conscience : la souffrance des autres. Les patients dénutris sombrent dans des agonies inqualifiables sous les yeux traumatisés de leurs familles. La pathétique étude (journal Libération du 28/02/2014) de l'équipe clinique de l'hôpital Cochin, sur le cas de 25 enfants, nourrissons grands prématurés non viables, est à cet égard édifiante. Elle est un cri de douleur lancé par des parents, infirmiers, médecins, psychologues : "on a vécu l'enfer", "on arrivait plus à y aller", "cela a duré 18 jours", un médecin avoue : "au bout de 8 jours, la tentation de l'euthanasie devient lancinante"..... "dès que la peau se dégrade, c'est insupportable" !

 

Les intercesseurs de Dieu jugent le temps du deuil nécessaire pour les retrouvailles familiales et le détachement psychologique.

 

"Sciences sans conscience n'est que ruine de l'âme", déclarait Rabelais. Cette réflexion ne peut que fédérer. Cependant, chacun place la conscience où il veut, quand il veut. Cette notion intime, à géométrie variable, permet tout et n'importe quoi. La frontière si ténue entre le licite (laisser mourir) et l'illicite (l'euthanasie), génère des situations effroyables ! Que penser des fins de vie de patients en état végétatif chronique irréversible qui sont résistants et sportifs. C'était le cas, par exemple, de Patrick Koeffel, qui a résisté pendant 11 jours avec un corps dégradé, des signes agoniques insupportables, sous les yeux traumatisés de sa famille. L'épilogue de son calvaire fût finalement son euthanasie. C'est l'atrocité à laquelle le législateur nous condamne lorsque les progrès de la réanimation nous laissent dans cet espace temps qui n'est ni la vie, ni la mort. Cette condamnation à perpétuité peut être le lot de chacun d'entre nous, victime d'accident de la route, d'accident  vasculaire cérébral ou d'arrêt cardiaque. Il est humain et légitime de réanimer dans l'urgence quelqu'un qui sombre dans l'inconscience. Il est, par contre, dans un second temps, inhumain et illégitime de le condamner à perpétuité dans l'enfermement de son corps ou dans le coma végétatif, alors que des lésions cérébrales profondes et irréversibles sont décelées, par IRM. La sédation profonde et continue jusqu'au décès, termes de la loi Léonetti Claeys de février 2016, est illisible pour les patients en EVC qui peuvent végéter pendant 5, 10 ou 20 ans, une fois leurs paramètres biologiques stabilisés. C'est, par ailleurs, une véritable énigme d'amorcer un compte à rebours, pour sédater, par rapport à une date inconnue de tous, celle de la mort naturelle du patient.

Je suis indignée que notre "combat" soit assimilé à une recherche de culture mortifère. Notre société se voit taxée d'égoïsme, d'individualisme, de consumérisme, comme une fin de non recevoir. Nos sachants vont jusqu'à opposer la réflexion à l'émotion, comme si nous étions constitués de pièces détachées. A l'air de la robotisation, on nous dénie le droit d'être simplement nous même, des humains.

 

Je souhaiterais, Madame la Députée, que la classe politique soit sensibilisée sur le sort des plus faibles d'entre les faibles, ceux qui sont condamnés à perpétuité, au silence et à l'indifférence. Les progrès de la science commanderaient que chaque citoyen s'exprime, sur ses propres souhaits, en cas d'inconscience, au travers de ses directives anticipées qui figureraient sur nos cartes vitales.

 

Madame la députée, sachez que ma posture n'est pas idéologique. Mon fils est resté 8 ans 5 mois et 12 jours dans un abominable coma végétatif, inconscient, avec des attelles, trachéotomisé, nourri par sonde de gastrotomie. Déglutissant à minima, il faisait des fausses routes permanentes qui provoquaient des étouffements dans ses propres glaires.  Son agonie, sans sédation, sans nutrition et sans hydratation a duré 6 jours cauchemardesques. Elle a été dénoncée par Monsieur le député Jean Léonetti, initiateur de la loi qui porte son nom, dans son livre "à la lumière du crépuscule", comme étant un "laisser crever".

 

Avec mes respectueuses salutations.

 

Danièle Pierra

 

Réponse de notre députée à la lettre qui lui été adressée par nos soins.

 

Bonjour Monsieur et Madame Pierra.

Je vous prie d'excuser mon absence lors d'un rendez vous précédent.

Je suis particulièrement sensible à la cause et au combat que vous menez comme vous a du vous l'expliquer Monsieur xxxxxx.

Il n'est nul besoin pour moi de rencontrer les malheureux témoins de ces douloureux sujets, pour être persuadée qu'il faut agir!

Vous avez été auditionnés à l'Assemblée.

Je mesure votre douleur et celle de votre enfant, je partage votre volonté de sensibiliser la classe politique. Je le suis particulièrement. Je serai vigilante sur le sujet, vous pouvez compter sur moi, sans pour autant vous déplacer à nouveau, (sauf nouvelle exigence de votre part). 

Je vous remercie d'avoir attiré de nouveau mon attention sur ce combat. je ne manquerai pas de vous informer des évolutions dans ce domaine . 

Bon courage à vous,

Très cordialement, 

 

Notre réaction à sa réponse.

 

Madame la députée,

Merci pour votre compassion. Nous pensions qu'il serait utile pour le débat sociétal qui nous occupe d'envisager une rencontre. Dans une logique assez communément partagée, nous imaginions que notre rendez-vous annulé la veille pour le lendemain, à cause de votre état de santé, serait reporté. Effectivement, nous avons été auditionnés à l'Assemblée Nationale, en 2008, par la mission d'évaluation de la loi Léonetti, à la demande de Monsieur le député Jean Léonetti, en personne. Vous êtes donc ainsi, la première personnalité politique que nous sollicitions. Nous n'aurons pas de  "nouvelles exigences", pour vous citer. Ces termes supposent que nous aurions eu une première exigence, une exigence initiale. Il n'en est rien, il s'agissait d'une simple sollicitation qui, selon nous, s'inscrivait légitimement dans les attributions d'un député, dans son lien privilégié avec le citoyen. Exiger consiste à demander impérativement ce qui est considéré comme un dû, ce qui, avec respect, n'était pas notre intention.

Je publie régulièrement des articles sur le média citoyen "Agoravox". La lettre qui vous a été adressée par nos soins y figure et comptabilise en 4 jours 2300 visites.

Dans un souci de compréhension plus fouillée de la problématique et de suivi pour nos lecteurs, nous adjoignons nos différents échanges.

Respectueusement.

Danièle Pierra

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27 novembre 2017 1 27 /11 /novembre /2017 14:17

   Notre fils, Hervé, était plongé dans un coma végétatif chronique irréversible depuis 8 ans ½  suite à une tentative de suicide par pendaison. Il avait vingt ans, et faisait alors son service militaire. Mon mari était officier à la brigade de sapeurs pompiers de paris et nous vivions en caserne au moment ou ce drame s’est déroulé. Il a pratiqué les premiers gestes de secours tout de suite, aidé par nos amis pompiers et le service médical présent sur place. Ils ont tout fait pour sauver notre fils, le fils d’un des leurs. Nous pensions tous qu’il était sauvé, hélas, seul son corps était revenu à la vie.

Au début, tout a été mis en place dans l’urgence pour le sortir d’affaire, mais quelques semaines après son arrivée en réanimation, le diagnostique est tombé, terrifiant et sans appel. Les IRM révélaient des lésions cérébrales irréversibles, les médecins, pour nous signifier la chose, parlaient de cerveau « ratatiné ». Après une terrible crise de convulsions, le corps médical nous convoquait pour nous conseiller de prendre nos dispositions pour le décès de notre enfant. Parallèlement ils ont été le chercher à la frontière de la mort, le laissant là, au bord du chemin de la vie. Il n’était plus vraiment vivant, et pas vraiment mort.

   Il a été par la suite transféré à Saumur ou nous retirions pour notre retraite. Notre fils n’avait jamais fait de mal à personne à part à lui-même, et il venait d’être condamné à la pire des peines qu’il soit.

   Il s'étouffait, était immobile, inconscient, trachéotomisé, nourri par sonde gastrique, et son état était jugé irréversible par le corps médical. Ses seules manifestations de vie étaient de très violentes expectorations dont nous retrouvions les sécrétions sur le mur en face de lui, et au plafond. Elles entrainaient régulièrement des régurgitations, et il était en isolement car, son organisme produisait des bactéries multi-résistantes. Déglutissant à minima, il faisait de très fréquentes "fausses routes", et s'étouffait ainsi dans ses propres glaires pendant 8 ans 1/2. Les infirmières et aides-soignantes l’aspiraient fréquemment et régulièrement, elles étaient toutes compétentes, chaleureuses et pleines de compassion. Je n’ai eu à faire qu’à des femmes adorables.

    Les années s’écoulaient, son calvaire perdurait. Entièrement immobile depuis le début, son corps se figeait dans la rigidité avec les années. Il ne pouvait pas être déplacé et adoptait des positions viciées. Son squelette devenait une petite virgule en position fœtale, avec de très importantes déformations. Lorsque son corps se contractait, tout rouge, secoué par des toux atroces, il basculait à droite ou à gauche, tenu par des attelles, il avait même développé une plaie atone très grave (c’est le 4ième degré de l’escarre).

   Nous demandions depuis des années que l’on ne pratique pas d’acharnement thérapeutique. Nous nous sentions impuissants devant le calvaire de notre fils. J’allais le voir tous les jours, tous les jours je lui parlais, le massais et le caressais. Notre vraie communion était celle de l’esprit, front contre front, ou ma main glissée dans la sienne en forçant avec tendresse ses doigts rigides et repliés.

   Que fait-on de la dimension spirituelle dans les cas de coma végétatif ? Quelles turbulences l’âme de mon fils a-t-elle dû traverser ? Je suis convaincue, depuis mon adolescence, de la survivance de l’âme. J’ai beaucoup lu Elisabeth Kübler Ross, …..  et plus récemment, J. Jacques Charbonier. Ma croyance, ma foi, se sont forgées en moi par introspection. Elles n'ont rien à voir avec ma religion catholique imposée par tradition familiale et dont je me démarque complètement. Celle-ci ne se contente pas de prôner la souffrance expiatoire, pour tous, mais tente de l'imposer par immixtion dans le débat législatif, bafouant ainsi, notre belle valeur de laïcité. 

   Les visites hebdomadaires de mon mari à notre enfant, étaient très douloureuses pour lui, mais il parvenait avec amour, à lui donner les résultats de foot, de tennis et de basket.

   Lorsque la loi Léonetti a vu le jour, nous demandions son application au cas de notre fils et demandions, qu’il soit enfin libéré de la prison de son corps. Cela a été un véritable cheminement d’amour et d’abnégation pour nous et nos deux adorables filles, Christelle et Virginie. Notre requête a reçu un accueil stupéfiant et inattendu. Le corps médical nous opposait un refus développé en trois axes. Je cite :

- 1 « l’équipe médicale comprend la souffrance de la famille ».

- 2 « constate que, vu l’état cérébral du patient, il n’y a pas de souffrance physique ».

- 3 « décide de continuer l’alimentation par sonde de gastrotomie, de garder les traitements qui préviennent les convulsions, d’arrêter tout autre traitement, d’arrêter les bilans biologiques ».

   Ce fût un parcours semé d’embûches et de travestissements de notre requête en demande d’euthanasie. Après seize mois de « bataille », le corps médical s’est exécuté sous la pression des plus hautes instances politiques et médicales. Les médecins ont fait appel au comité d’éthique de Cochin qui a jugé notre requête légitime et recevable. Ils ont également saisi le Procureur de la République pour conseil, à savoir, comment aider des parents qui désirent euthanasier leur fils. Celui-ci, contacté et informé par nous-mêmes s’est rendu compte de la manipulation dont il avait été l’objet, a pris connaissance de notre requête d’application de la loi Léonetti et nous a conseillé de prendre l’attache d’un avocat. Un climat conflictuel régnait entre les médecins de l’équipe et entre ces derniers et le directeur de l’hôpital. A notre demande, M. Léonetti est intervenu, il nous a conseillé de faire appel au docteur Régis Aubry en qualité de deuxième médecin consultant.

   La sonde gastrique a été retirée conformément à la loi et l’ultime et sordide compte à rebours a commencé. Nos filles nous avaient rejoints pour cette douloureuse épreuve. L’agonie de notre enfant fût cruellement surréaliste. Il est mort en six jours, sans sédation et sans aucun médicament. Le docteur Aubry nous avait dit qu’Hervé mourrait en 10 à 14 jours sans sédation pour ne pas prolonger son agonie mais, qu’il sombrerait vite dans le coma, c'est-à-dire qu’il fermerait les yeux au bout de 2 jours et qu’il partirait en paix. Mais que signifie le coma quand on est déjà dans le coma ? Pendant 6 jours et 6 nuits, notre enfant n’a pas fermé les yeux, et à son décès, l’équipe soignante a fait appel à la force du seul infirmier présent dans l’équipe pour parvenir à baisser ses paupières tant ses yeux étaient enfoncés dans leurs orbites. Rien ne se passait comme prévu, et ce décalage amplifiait notre terreur. Notre enfant ne pouvait pas souffrir nous a-t-on certifié, il ne ressent pas la douleur. Le corps de notre fils était saisi de convulsions qui se transformaient en véritables bonds dans son lit, comme si il était électrocuté. La médecine appelle cela des troubles hydro électrolytiques. Il était brûlant et cyanosé. Nous étions dans un état indescriptible. Alors tous les quatre, enlacés et penchés sur son corps dégradé, nous avons promis de nous battre pour qu’une telle ignominie ne se reproduise plus, plus jamais. La situation échappait à tous les protagonistes, à nous famille qui survivions dans une autre dimension, celle de l’horreur, au personnel soignant choqué, dépassé, aux médecins qui ont fermé la porte. Ce fût, comme l'écrivait Monsieur le député Jean Léonetti dans son livre "à la lumière du crépuscule", un "laisser crever" !

En 2008, le Conseil National de l'Ordre des Médecins, nous présentait les excuses de la médecine française. Cependant, ces questions de fin de vie, mal encadrées, engendrent le flou et l'arbitraire. La loterie est la règle !

   Pourquoi toute cette souffrance ? Est-ce parce que la marge entre l’illicite, c'est-à-dire « aider à mourir », et le licite, c'est-à-dire « laisser mourir », est si ténue, que les médecins, par peur des poursuites judiciaires ont fait durer l’agonie de notre enfant ?

 

   Quelques questions et réflexions récurrentes me taraudent :

Ø Je ne comprends pas que l’on nous dénie la capacité de penser sur un sujet à propos duquel chacun dispose pourtant d’un potentiel de réflexion, et d’expériences personnelles. Nos réflexions ne sont pas de simples réactions épidermiques nées de l’émotion liées à des images chocs, ou à des témoignages médiatisés. Nous pouvons faire preuve de bon sens, d’ailleurs, nos gouvernants font parfois référence au « bon sens populaire », quand cela les arrange !

Ø Pourquoi mourir est-il un droit puisque la mort s’inscrit légitimement dans la vie ? C’est donc devenu un droit à revendiquer.

Ø Pourquoi ne s’interroge-t-on pas sur la fin de nos vies au lieu de philosopher sur la fin de vie ?

Ø Les victimes collatérales des progrès de la réanimation sont condamnées à perpétuité. Il est normal et légitime de réanimer, en urgence, quelqu'un d’inconscient en arrêt cardio respiratoire mais après, lorsque les IRM attestent de lésions cérébrales très graves et irréversibles comme dans les anoxies du cerveau, que faire ? Ces patients ne sont pas en fin de vie, alors comment appliquer la loi "Claeys Léonetti" de 2016 qui propose une sédation de quelques jours avant l'échéance naturelle de la mort. Les patients en EVC, sont -ils exclus, de fait, de cette loi, même s'ils ont rédigé leurs directives anticipées? Ils sont ni vivants, ni morts, ni en fin de vie, ils sont la résultante de l'absence de toute considération humaniste dans la réflexion bioéthique sur la fin de vie.

Ø Pourquoi les personnes qui prônent la mort naturelle ne sont-elles pas interpellées par la vie artificielle ? Comment philosophiquement et techniquement peut-on proposer une mort naturelle à des patients qui peuvent survivre dans une non vie pendant des dizaines d’années ?

Ø Pourquoi certaines personnes, à la lecture de la loi Léonetti, ont-elles craint de se voir imposer une mort non souhaitée ? Ce que la loi autorise n’est pas forcement préconisé !

Ø En quoi « tuer par compassion » est-il plus inhumain que « laisser mourir sans compassion » ?

Ø Quel est le sens des « traitements à visée sédative » pour un patient comme notre fils dans le coma végétatif et qui, selon les propos de certains médecins ne peut rien sentir ? C’était même la position de l’équipe médicale en charge d’Hervé. Pourquoi ne pas avoir sédaté notre enfant, même s'il n'y avait qu'un risque sur des millions qu'il souffrit ?

Ø Quel est le sens de ce terrifiant « temps du deuil », passage obligé pour notre famille afin d'accorder à notre enfant le droit de mourir. Le docteur Régis Aubry avait écrit dans son compte rendu, je cite : « c’est le temps du détachement, cette question du détachement physique est un point qui me semble important, en particulier pour Mme Pierra qui est très présente chaque jour auprès de son fils ! » C’est terrible ! On sait à ma place ce qui est bon et salutaire pour moi, mais c’est notre fils et lui seul, qui aurait du être au centre de toutes les préoccupations, de toutes les attentions. D’autre part, c’est mon droit le plus intime de choisir de ne pas faire le deuil de mon enfant ! La douleur que j’éprouve atteste en moi de la vie de mon fils. Quelle cynique autant qu’inattendue bienveillance après 8 ans ½ d’indifférence, sans soutien psychologique, ni avant, ni pendant, ni après !

      C’est le temps de la « maturité psychique », mais, hélas, dans les faits, cela a été le temps de l’horreur. C’est le cas même si les patients en EVC sont sédatés et accompagnés dans le strict respect de la loi. Deux témoignages nous sont parvenus qui attestent de délais de 7 jours et 11 jours cauchemardesques avec au bout une sédation profonde quand les patients ne parviennent pas à mourir.

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27 novembre 2017 1 27 /11 /novembre /2017 14:09

Cette étude inédite du Centre Ethique Clinique de Cochin que le journal « Libération », daté du 28 février 2014 a publié, est en résonnance avec les quelques lignes dédiées par Philippe Bataille dans son livre « à la vie, à la mort » de 2012, à la fin de vie des grands prématurés. Ce sociologue, directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales, a mené une enquête pendant plusieurs années dans différentes unités de soins palliatifs en France. Il écrit : « aujourd’hui dans les services de néonatologie, on n’inocule plus de produits létales pour abréger la vie d’un prématuré de huit cents grammes, comme une culture médicale de néonatologistes en avait permis l’exercice. Désormais, on suspend l’alimentation et l’hydratation. Peu le savent. Les soignants qui l’ont fait, par souci de conformité à la loi Leonetti de l’interdit d’euthanasie déjà révisée, disent en avoir éprouvé un malaise éthique.

 

Article du journal "Libération" :

L’étude du centre d’éthique de Cochin sur l’agonie du nourrisson, met en exergue ces « nouvelles pratiques à l’épreuve du réel ». Le travail réalisé par les chercheurs de Cochin est rétrospectif. Il a consisté à retourner voir trois équipes de réanimation et des parents ayant vécu cette situation. En tout, l’histoire de 25 enfants. Et, toujours, une équipe médicale qui, à un moment donné, décide collégialement et en accord avec les parents d’arrêter les soins, mais aussi l’alimentation et l’hydratation artificielle de ces nourrissons de quelques jours, ou de quelques semaines tout au plus. «Tous disent, poursuit le Dr Fournier, que ce temps devient angoissant s’il se prolonge : il est insupportable au-delà de trois, quatre jours, et intolérable au-delà d’une semaine». «Il est inhumain d’attendre aussi longtemps que son bébé meure », a exprimé une mère. Un autre parent relate : «On a vécu l’enfer, cela a été trop, trop long, on attendait, on attendait ; la dernière semaine, on n’arrivait plus à y aller». Ou encore : «Ils m’avaient dit que ce serait court, cela a duré dix-huit jours, c’était un bébé potelé, à la fin elle était devenue méconnaissable Un médecin avoue : «Au bout de huit jours, la tentation de l’euthanasie devient lancinante.»

Elizabeth Belghiti, psychologue déclare : «C’est un sentiment d’effroi. Il y a quelque chose d’inconcevable. Comment ne pas nourrir un nourrisson, alors qu’un enfant, on le nourrit, c’est le lien». Un médecin-réanimateur déplore : «Il y avait une atmosphère difficile, les infirmières pleuraient, le visage du nourrisson devenait si lisse que l’on ne voyait plus d’expressions.»

Laurence Brunet, juriste, écrit : «Ils disent que les deux ou trois premiers jours, quand ils peuvent pour certains prendre leur enfant dans leurs bras, il y a une intimité qu’ils n’avaient jamais vécue, mais dès que cela dure, dès que la peau se dégrade, c’est insupportable.» Marta Spranzi écrit : «Il y a cette idée qu’il faut que les parents fassent le deuil. J’en doute, nous avons vu beaucoup de souffrance. Plus le lien se fait, plus la séparation est dure.» Laurence Brunet : «D’autant que la dégradation du corps est inhumaine. Voire leur enfant devenir une poupée de chiffon… C’est souvent les dernières images qui vont donner du sens à cette fin de vie.»

Elisabeth Belghiti, psychologue, fait une analyse encore plus terrible et revient au point de départ : «Quand on va dire aux parents que leur enfant ne va pas souffrir de la faim, est-ce concevable ? Entendable ? Je ne le crois pas, nourrir son enfant, c’est le cœur de la parentalité. L’arrêter, c’est impensable Et puis, ce temps d’agonie qui dure : «C’est un faux-semblant de vie, avec un petit corps qui souffre, qui se rétrécit. Un nourrisson ? On le voit grandir. Là, c’est l’inverse, c’est à la limite de l’humain.» Des parents ne viennent pas. D’autres ne viennent plus. «Ils ne se sentent pas coupables, mais responsables, dit Belghiti. Ils ont quand même donné leur accord, ils sont tous pour l’arrêt des soins, mais celui de l’alimentation, c’est autre chose… Assister à la décroissance de son enfant ? Ils en sont hantés».

Terrible dilemme. Rarement une pratique médicale de fin de vie n’a été analysée d’aussi près, et rarement autant d’interrogations ne demeurent. Avec ce risque qui émerge : à ne pas vouloir donner la mort, ne détruit-on pas, paradoxalement, les vivants ?

 

En aout 2013, les médecins belges avaient procédé à quelques rectifications, excédés par toutes les contre-vérités qui figuraient dans l’avis du CCNE sur la législation concernant la fin de vie et l’euthanasie en Belgique. Ils déclaraient : « promouvoir la sédation profonde en extrême fin de vie comme substitut à l’euthanasie nous paraît injustifiable. La sédation n’assure pas une mort paisible. Elle maintient le patient coupé du monde extérieur, ni vivant ni mort, pendant plusieurs heures ou jours en attendant que survienne le décès. Une telle prolongation de l’agonie peut constituer pour les proches une épreuve extrêmement traumatisante, voire cruelle, d’autant plus que des complications dramatiques de tous ordres peuvent survenir sous leurs yeux (hémorragies, convulsions, etc.). Nous tenons à témoigner que les convulsions de notre fils lors de l’application de la loi Léonetti hantent à l’heure actuelle encore, nos nuits.

Nous avons lu cet article dans une éprouvante émotion, ne supportant pas le paroxysme de cette souffrance institutionnalisée appliquée au cas des nourrissons grands prématurés.

 http://www.liberation.fr/societe/2014/02/27/agonie-du-nourrisson-des-mots-sur-l-inconcevable_983448

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27 novembre 2017 1 27 /11 /novembre /2017 13:44

Le témoignage bouleversant ci-dessous dénonce un nouveau cas d'agonie cauchemardesque :   "La sédation en phase terminale doit être réversible et ne doit pas hâter la mort" ! Voila le germe de toute les pires souffrances agoniques auxquelles le législateur nous condamne pour avoir le droit de mourir !

 

Témoignage de fin de vie d'un adhérent

 

Adhèrent à l’ADMD depuis avril 2013, je voudrais apporter un témoignage sur la fin de vie de ma belle-fille (Florence, fille de ma femme), décédée à l’âge de 42 ans d’un cancer du sein dans une unité de soins palliatifs, le 27 avril 2013.
Etant sa personne de confiance (et son beau-père), je l’ai accompagnée quotidiennement pendant ses quatre dernières années. L’accompagnement de cette jeune maman par l’USP a été extraordinaire : prise en charge médicale et psychologique, disponibilité, compétence, humanité dans le soin et la relation et attention aux proches. Malheureusement la sédation en phase terminale a été mal conduite et Florence s’est réveillée deux fois lors de sa dernière nuit, dans la panique de l’étouffement.
Parce que des procédures absurdes et difficiles à contrôler, encadrées par la loi, ont entraîné un « accident regrettable », nous tenons à témoigner de ce qui est arrivé.
Ne voulant surtout pas accabler l’USP et l’interne de garde (nom et lieu n’apparaissent pas dans le texte), notre témoignage n’a de sens que s’il peut contribuer à faire évoluer la loi encadrant la fin vie. Plutôt que d’imposer la titration du sédatif afin que la sédation reste réversible (absurde à quelques heures de la mort), une euthanasie compassionnelle aurait apporté une mort douce à Florence. Le législateur qui écrit la loi, et qui n’a peut-être jamais assisté à la mort d’un être aimé, doit savoir que la mort n’est pas douce. Même épuisé par la maladie, un jeune corps lutte jusqu’au bout pour vivre et ne cède qu’après total épuisement. Nous avons aujourd’hui les moyens d’abréger ce combat inutile ; le moment venu, l’euthanasie est l’ultime geste d’amour. Comme l'a dit Lucien Bonnafé psychiatre : « On juge du degré de civilisation d'une société à la façon dont elle traite ses fous ». On pourrait ajouter « et accompagne ses mourants».
Le texte est long, chargé d’émotion et de colère. La maladie et la mort douloureuse d’une jeune maman ne peuvent pas être portées par une simple déposition. N’ayant pas voulu apporter de la douleur à la douleur, les proches et ami(e)s de Florence n’ont rien su de cette tragique nuit. Mais pour sa maman, son papa et moi, les yeux pleins d’effroi de Florence resteront ouverts pour toujours.

 

Fin de vie de Florence

 

Lors de la dernière hospitalisation au Centre de Lutte Contre le Cancer (CLCC) le cancérologue a annoncé à Florence que cette fois elle ne rentrerait pas chez elle. Il lui a dit que les métastases se développaient maintenant dans la plèvre et le péritoine (épanchement pleural et carcinose péritonéal), qu’il n’y avait plus rien à attendre des chimios et que les traitements de support seraient les seuls qu’elle recevrait. Malgré 7 années de lutte contre un cancer du sein qui a ravagé son corps (des métastases cutanées ont provoqué une large plaie étendue de la poitrine au dos, Florence n’est pas prête à lâcher prise. Dans un sanglot elle dit « je croyais en avoir pour plus longtemps ». Ce sera sa seule plainte.

Ex sportive de niveau internationale elle a gardé un mental de championne. Loin de s’effondrer elle a demandé à voir parents et ami(e)s pour s’assurer que nous allions veiller sur sa fille (11 ans) après sa mort. Au cours de l’évolution de la maladie Florence a toujours tout contrôlé (à la maison et à l’hôpital). Cette forte personnalité lui a permis d’aimer la vie malgré les douleurs, les chimios, les nausées permanentes et cette terrible plaie qui barre son corps. Après son départ du CLCC elle a été prise en charge par une Unité de Soins Palliatifs (USP) ou elle a été extraordinairement bien accompagnée pendant ses 3 dernières semaines de vie (prise en charge de la douleur et des nausées, accompagnement psychologique, soins, kiné, toilette). Dés son arrivé à l’ USP elle voit le médecin qui va s’occuper d’elle. C’est une jeune femme compétente, attentionnée qui a l’expérience des fins de vie. Le courant passe tout de suite entres elles. Ce médecin fait le point pour qu’il n’y ait

pas d’ambiguïté. Elle lui rappelle qu’elle ne rentrera plus chez elle, mais que tout sera fait pour qu’elle ne souffre pas. Elle lui dit aussi que l’épanchement pleural va s’étendre et provoquer une dyspnée importante entraînant une sensation d’étouffement. Elle lui explique que le moment venu et à sa demande on provoquera une sédation pour qu’elle ne ressente pas cette angoissante souffrance (depuis un précèdent épisode de dyspnée Florence a « la terreur de mourir étouffé »). Cette procédure rassure Florence, maintenant elle a confiance, elle n’étouffera pas.

Un lit a été préparé dans sa chambre, parents et ami(e)s assurent une présence continuelle auprès d’elle. C’est à l’ USP qu’elle fête ses 42 ans, dix jours avant son décès. Les soignants ont préparé une surprise, ils apportent, gâteau, bougies et coupes de champagne. Nous sommes autour d’elle, en larme mais heureux de la voir profiter de ce moment magique.  Dernières photos…

De jours en jours la maladie gagne du terrain, ajoutant autant de nouvelles souffrances (important œdème des membres inférieurs qui empêche tout mouvement, occlusion intestinale, ictère hépatique, mucites, problèmes de déglutition qui empêche de boire, dyspnée provoquée par l’épanchement pleural). Florence fait face, elle ne proteste plus quand on augmente les doses de morphine (elle est à 600mg/jour), c’est elle qui demande aux infirmières de l’Oxynorme en bollus quand les douleurs arrivent. Nous profitons des moments de répits pour parler et lui dire notre amour. Elle parle de sa mort, un ami « chamane » l’emmène dans des contrées lointaines et l’apaise. Malgré la fatigue son visage s’éclaire quand sa fille arrive. Joyeuse et décontractée la petite fille n’a pas compris. L’hôpital elle connaît depuis tellement longtemps. Les psychologues du l’USP ont proposé à Florence de la rencontrer pour qu’elle réalise enfin. Colère, c’est elle qui avertira sa fille. Elle le fera une dizaine de jours avant sa mort.

La veille de son décès la dyspnée provoquée par l’épanchement pleural augmente fortement. Malgré l’oxygène elle peine à respirer. En début d’après midi elle me demande d’appeler le médecin car elle a pris sa décision. Elle demande a être sédatée. Elle avait longuement discuté de cette procédure avec le médecin de l’USP qui s’occupait d’elle. Pour ma part je lui avais assuré qu’avec la sédation elle serait inconsciente et ne percevrait pas l’asphyxie et l’étouffement. En quelques minutes tout est prêt, l’Hypnovel est dans la seringue. Je la prends dans mes bras une dernière fois et à sa demande je tourne les pages de l’album photos de sa fille qu’elle regarde une dernière fois. Puis elle me laisse un dernier message pour elle. Elle est prête, l’induction de la sédation commence, elle ferme les yeux.

Bouleversé mais soulagé, je sors le temps des réglages des seringues automatiques. Il est 14h le 26 avril, pour elle c’est l’heure de sa mort puisqu’il était convenu qu’elle ne devait plus reprendre conscience.

Quelques heures après, les râles agoniques ont commencé et se sont amplifiés dans la soirée. Florence est inconsciente, à la recherche d’oxygène son thorax se soulève brutalement à chaque inspiration projetant sa tète en arrière. Au moment de l’expiration, l’encombrement bronchique provoque un terrible râle. Chaque respiration demande un énorme effort, on espère que le cœur ne supportera pas longtemps. Les trois personnes présente à ce moment (sa mère, son père et moi) souhaitions une fin rapide et espérions l’absence de souffrance pendant ces derniers moments.

Malheureusement ce n’est pas ce qui est advenu.

Vers deux heures du matin en notre présence, Florence s’agite brutalement en lançant le buste et les bras en avant, yeux grand ouverts essayant de respirer (nous avons vécu cet épisode comme une noyade). Le personnel très rapidement auprès de Florence nous demande de sortir pour pratiquer une aspiration bronchique et injecter un produit (?) sensé diminuer l’encombrent des bronches. Dans le couloir, attentif a ce qui se passait dans la chambre nous avons nettement entendu la voix de Florence (elle était donc consciente). Quand nous sommes rentrés dans la chambre, Florence était de nouveau inconsciente mais le râle était toujours là et très fort. Les heures suivantes, nous avons appelé plusieurs fois l’infirmière de nuit (visiblement stressée) car nous craignions un nouvel éveil.

Celui-ci arrive vers 5 heures du matin, encore plus terrifiant. Yeux grands ouverts Florence étouffe, dans l’effroi elle cherche à sortir du lit (évènement décrit comme détresses respiratoires asphyxiques, sensation de mort imminente par étouffement avec réaction de panique). Heureusement l’infirmière présente dans la chambre à ce moment l’immobilise et appel du secours. L’interne de garde et d’autres infirmières arrivent. Dans le couloir, choqué par ce nouvel éveil terrifiant de Florence, j’intercepte l’interne de garde (visiblement choquée et dépassée elle me dit « c’est regrettable »). Je lui demande fermement d’augmenter la dose d’Hypnovel. Elle me dit que la dose injectée (depuis l’induction 50 mg ?) aurait du être suffisante et « qu’après ce serait de l’euthanasie ». Toujours fermement je lui répond que j’assume cet acte et que si nécessaire c’est moi qui administrerai le sédatif. Je n’ai pas eu besoin de le faire, car a partir de cet instant la sédation a été augmentée par

de nouvelles injections et Florence ne s’est plus réveillée. Elle est décédée à 8h30 du matin le 27 avril, 18h après le début de la sédation.

Trois mois après cet événement nous avons encore très nettement dans notre mémoire l’image des yeux affolés de Florence étouffant dans l’effroi. Pour ma part je culpabilise d’avoir trahie sa confiance. Je lui avais assuré que sédatée elle n’aurait pas conscience d’étouffer. Ne connaissant pas les procédures de sédation, j’ai réalisé après la mort de Florence que la sédation en phase terminale en soins palliatifs était très encadrée. Ainsi la sédation doit être réversible et ne doit pas hâter la mort (réglementation absurde en phase terminale). Pour cette raison le dosage de l’Hypnovel est adapté en permanence au patient de manière à induire et maintenir une sédation réversible (voir la procédure ci-dessous). Ce dosage patient dépendant n’est pas facile à déterminer puisque les réactions du patient sont inconnues. Une sédation profonde aurait certainement hâté la mort mais aurait évité ce terrible événement de fin de vie. Les derniers instants de conscience de Florence ont été des moments de terreurs, sa confiance a été trahie. Choqués pour le reste de notre vie, nous sommes encore dans la colère. Cette colère n’est pas dirigée contre le personnel de l’USP qui a accompagné le plus humainement possible Florence dans sa mort. Cette colère nous la gardons pour le législateur qui imposent aux soignants des procédures difficiles à maîtriser et qui ont dans ce cas dramatiquement marqué la fin de vie de Florence. Pendant la journée un médecin expérimenté aurait probablement pris la responsabilité d’augmenter la sédation pour éviter le réveil. Mais voila, on meurt aussi la nuit. La maîtrise de la sédation a échappé à l’interne de garde cette nuit là. La dose injecté aurait du être suffisante pour assurer la sédation mais la médecine n’est pas une science exacte. Pour nous ce n’est pas un « accident regrettable » de conduite de la sédation, Florence a été victime de réglementations absurdes qui rende la procédure de sédation difficile à maîtriser. Quand Florence a demandé à être sédatée elle allait consciemment au devant de sa mort, un geste aurait suffit pour que sa vie s’arrête paisiblement à cet instant. L’euthanasie aurait été un geste de compassion qui aurait évité les 18 h d’agonie et le réveil dans l’effroi de Florence. Ce geste je l’aurais fais par amour et je serais aujourd’hui poursuivi pour empoisonnement volontaire.

 

Aucune sédation

 

Aucune sédation n'a été pratiquée sur notre fils. Celui-ci, est resté plongé pendant 8 ans ½ dans un coma végétatif chronique irréversible, à l’âge de 20 ans. Il était figé dans une grande rigidité, paralysé à 100%, inconscient, trachéotomisé et nourri par sonde gastrique. Il s’étouffait chaque jour, depuis le début de son calvaire, dans ses propres glaires, entraînant de récurrentes et éprouvantes régurgitations. Affecté de problèmes pulmonaires persistants à cause de la présence de bactéries multi résistantes, il était placé très souvent en isolement. Sa position fœtale, ses attitudes viciées et le fait de n’être jamais déplacé, avaient provoqué une plaie atone grave (escarre au 4 ième degré). Il est décédé en novembre 2006, après notre requête d’application de la loi Léonetti. Ce parcours, semé d’embûches, a duré 18 mois. Les plus hautes instances politiques et médicales de l’époque étaient intervenues pour faire infléchir le corps médical. Le comité d’éthique de Cochin avait donné son aval ainsi que le docteur Régis Aubry (missionné par Jean Léonetti).

Après le retrait de la sonde gastrique, notre fils est mort en 6 jours cauchemardesques, sans aucune sédation, brûlant, cyanosé et faisant des bonds dans son lit, comme électrocuté. Il s’agit, dans notre cas, qui a été médiatisé, d’un « laisser crever », comme l’a écrit Monsieur le député Jean Léonetti dans son livre « à la lumière du crépuscule ». Les médecins avaient eu peur d’être accusés d’euthanasie si notre enfant avait été sédaté et surtout si son décès était intervenu trop rapidement.

 

Sédation profonde et continue :

 

Telle est la proposition actuelle du binôme de députés (Alain Claeys et Jean Leonetti) désigné par le Chef de l'Etat pour mener une mission parlementaire sur la fin de vie. Cette proposition de loi dont le Président de la République a déclaré qu'il la faisait sienne, nous interpelle : Il s'agit d'endormir un patient en phase terminale de maladie incurable, avec des douleurs réfractaires, patient qui en fait la demande expresse et réitérée. Il s'agit de l'endormir jusqu'à sa mort naturelle (causée par sa maladie). Dans les faits, c'est l'absence de traitements cumulée à une privation d'hydratation et de nutrition, qui le feront mourir. Ces agonies seront plus ou moins longues car l'échéance de la mort est imprévisible. La profonde dégradation des corps sera inéluctable.

Pour les cas comme celui de notre enfant, cette proposition est totalement incompréhensible ! Soulager la douleur, jusqu'à la mort naturelle, due à la maladie, n'a aucun sens pour les personnes en état végétatif chronique dont le corps peut survivre dix, vingt, trente ans ou plus ! Les victimes collatérales des progrès de la réanimation moderne dont nous pouvons, tous, potentiellement faire partie, ont du souci à se faire.

L'exemple déchirant des nourrissons grands prématurés, soumis à une sédation profonde continue, a été mis à l'index par une étude du centre éthique clinique de Cochin. Celle-ci a été publiée dans le journal "Libération", daté du 28 février 2014 :

L’étude du centre d’éthique de Cochin sur l’agonie du nourrisson, met en exergue ces « nouvelles pratiques à l’épreuve du réel ». Le travail réalisé par les chercheurs de Cochin est rétrospectif. Il a consisté à retourner voir trois équipes de réanimation et des parents ayant vécu cette situation. En tout, l’histoire de 25 enfants. Et, toujours, une équipe médicale qui, à un moment donné, décide collégialement et en accord avec les parents d’arrêter les soins, mais aussi l’alimentation et l’hydratation artificielle de ces nourrissons de quelques jours, ou de quelques semaines tout au plus. «Tous disent, poursuit le Dr Fournier, que ce temps devient angoissant s’il se prolonge : il est insupportable au-delà de trois, quatre jours, et intolérable au-delà d’une semaine». «Il est inhumain d’attendre aussi longtemps que son bébé meure », a exprimé une mère. Un autre parent relate : «On a vécu l’enfer, cela a été trop, trop long, on attendait, on attendait ; la dernière semaine, on n’arrivait plus à y aller». Ou encore : «Ils m’avaient dit que ce serait court, cela a duré dix-huit jours, c’était un bébé potelé, à la fin elle était devenue méconnaissable.» Un médecin avoue : «Au bout de huit jours, la tentation de l’euthanasie devient lancinante.»

Elizabeth Belghiti, psychologue déclare : «C’est un sentiment d’effroi. Il y a quelque chose d’inconcevable. Comment ne pas nourrir un nourrisson, alors qu’un enfant, on le nourrit, c’est le lien». Un médecin réanimateur déplore : «Il y avait une atmosphère difficile, les infirmières pleuraient, le visage du nourrisson devenait si lisse que l’on ne voyait plus d’expressions.»

Laurence Brunet, juriste, écrit : «Ils disent que les deux ou trois premiers jours, quand ils peuvent pour certains prendre leur enfant dans leurs bras, il y a une intimité qu’ils n’avaient jamais vécue, mais dès que cela dure, dès que la peau se dégrade, c’est insupportable.» Marta Spranzi écrit : «Il y a cette idée qu’il faut que les parents fassent le deuil. J’en doute, nous avons vu beaucoup de souffrance. Plus le lien se fait, plus la séparation est dure.» Laurence Brunet : «D’autant que la dégradation du corps est inhumaine. Voire leur enfant devenir une poupée de chiffon… C’est souvent les dernières images qui vont donner du sens à cette fin de vie.»

Elisabeth Belghiti, psychologue, fait une analyse encore plus terrible et revient au point de départ : «Quand on va dire aux parents que leur enfant ne va pas souffrir de la faim, est-ce concevable ? Entendable ? Je ne le crois pas, nourrir son enfant, c’est le cœur de la parentalité. L’arrêter, c’est impensable.» Et puis, ce temps d’agonie qui dure : «C’est un faux-semblant de vie, avec un petit corps qui souffre, qui se rétrécit. Un nourrisson ? On le voit grandir. Là, c’est l’inverse, c’est à la limite de l’humain.» Des parents ne viennent pas. D’autres ne viennent plus. «Ils ne se sentent pas coupables, mais responsables, dit Belghiti. Ils ont quand même donné leur accord, ils sont tous pour l’arrêt des soins, mais celui de l’alimentation, c’est autre chose… Assister à la décroissance de son enfant ? Ils en sont hantés».

Terrible dilemme. Rarement une pratique médicale de fin de vie n’a été analysée d’aussi près, et rarement autant d’interrogations ne demeurent. Avec ce risque qui émerge : à ne pas vouloir donner la mort, ne détruit-on pas, paradoxalement, les vivants ?

Nous avons lu cet article dans une éprouvante émotion, ne supportant pas le paroxysme de cette souffrance institutionnalisée appliquée au cas des nourrissons grands prématurés.

 

En août 2013, les médecins belges avaient procédé à quelques rectifications, excédés par toutes les contrevérités qui figuraient dans l’avis du CCNE sur la législation concernant la fin de vie et l’euthanasie en Belgique. Ils déclaraient : « promouvoir la sédation profonde en extrême fin de vie comme substitut à l’euthanasie nous paraît injustifiable. La sédation n’assure pas une mort paisible. Elle maintient le patient coupé du monde extérieur, ni vivant ni mort, pendant plusieurs heures ou jours en attendant que survienne le décès. Une telle prolongation de l’agonie peut constituer pour les proches une épreuve extrêmement traumatisante, voire cruelle, d’autant plus que des complications dramatiques de tous ordres peuvent survenir sous leurs yeux (hémorragies, convulsions, etc.). Nous tenons à témoigner que les convulsions de notre fils lors de l’application de la loi Léonetti hantent à l’heure actuelle encore, nos nuits.

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27 novembre 2017 1 27 /11 /novembre /2017 13:34

Nous sommes les parents d’Hervé Pierra. Notre fils est resté plongé pendant 8 ans ½ dans un coma végétatif chronique irréversible, à l’âge de 20 ans, suite à une tentative de suicide par pendaison. Il était figé dans une grande rigidité, paralysé à 100%, inconscient, trachéotomisé et nourri par sonde gastrique. Il s’étouffait chaque jour, depuis le début de son calvaire, dans ses propres glaires, entrainant de récurrentes et éprouvantes régurgitations. Affecté de problèmes pulmonaires persistants à cause de la présence de bactéries multi-résistantes, il était placé très souvent en isolement. Sa position fœtale, ses attitudes viciées et le fait de n’être jamais déplacé, avaient provoqué une plaie atone grave (escarre au 4 ième degré). Il est décédé en novembre 2006, après notre requête d’application de la loi Léonetti. Ce parcours, semé d’embûches, a duré 18 mois. Les plus hautes instances politiques et médicales de l’époque étaient intervenues pour faire infléchir le corps médical. Le comité d’éthique de Cochin avait donné son aval ainsi que le docteur Régis Aubry (missionné par Jean Léonetti).

Après le retrait de la sonde gastrique, notre fils est mort en 6 jours cauchemardesques, sans aucune sédation, brûlant, cyanosé et faisant des bonds dans son lit, comme électrocuté. Il s’agit, dans notre cas, qui a été médiatisé, d’un « laisser crever », comme l’a écrit Monsieur le député Jean Léonetti dans son livre « à la lumière du crépuscule ». Les médecins avaient eu peur d’être accusés d’euthanasie si notre enfant avait été sédaté et surtout si son décès était intervenu trop rapidement.

Notre drame, parfaite illustration d’un fiasco, de bout en bout, se résume en quelques mots : souffrance, incompréhension, injustice, impuissance, effroi, anéantissement, combativité et amour.

Le 8 février 2013, le Conseil national de l'Ordre des médecins s'est prononcé en faveur d'une évolution de la législation sur la fin de vie en France en envisageant pour la première fois le recours à une sédation terminale dans des "situations exceptionnelles". Ils évoquent exclusivement les cas de personnes lucides qui réitèrent leurs requêtes pour être délivrées en phase terminale de maladies incurables. Les grands oubliés de toutes ces délibérations sont à nouveau les patients en état végétatif chronique irréversible qui eux, ne pouvant pas s'exprimer, ne bénéficieront donc pas d'un recours à une sédation terminale, n'étant pas estimés en situation exceptionnelle.

 

Nous vous soumettons avec humilité et respect, quelques questionnements ou quelques pistes de réflexions pour aider à cheminer dans le débat sociétal sur la fin de vie qui va, prochainement s’instaurer :

 

Ø      Le constat : A peu près 2000 personnes se trouvent à l’heure actuelle, en France, en état végétatif chronique. Ce chiffre, avec les progrès de la technologie médicale, va être en constante augmentation, qu’il s’agisse de personnes qui font des accidents vasculaires cérébraux très graves ou des accidentés de la route et notamment les jeunes gens en deux roues.

 

Ø      Que faire ? : Faire appliquer la loi Léonetti (c'est-à-dire, laisser mourir le patient de faim et de soif, en plusieurs jours, avec un accompagnement). Pourquoi refuser « réparation » à ces victimes collatérales des progrès de la réanimation moderne en ne pratiquant pas une aide active à mourir ? Il est normal et légitime de tout tenter pour faire revenir à la vie une personne inconsciente, en arrêt cardio ventilatoire, mais après…, après…, quand les IRM attestent que les lésions cérébrales sont telles que seule une vie végétative se profile, que faire ? Il n’y a pas de tuyaux à enlever, de machines à débrancher…, on ne peut plus revenir en arrière, seul le corps survit, de façon autonome. Ces calvaires peuvent durer des années et des années. Des médecins formidables, tenaces et débordants d’humanité, comme le professeur Louis Puybasset, essaient de mettre en place des « scores » par des IRM recoupées et autres méthodes et investigations, pour établir des diagnostiques précoces. Ces protocoles permettraient de réagir très vite, en phase de réanimation, pour éviter en quelque sorte, des drames comme celui qu’a vécu notre enfant. A ce jour, cette solution est néanmoins expérimentale.

 

Ø      Quel espoir de retour « à la vie » ! :

Les médecins distingueraient :

-      Les états végétatifs chroniques, consécutifs aux traumatismes crâniens, dont on peut sortir.

-       Les états végétatifs chroniques irréversibles consécutifs à des anoxies du cerveau dont on ne sort pas.

 

Ø     Quelques questions et réflexions sur la loi Léonetti :

-      La décision finale de l’application de la loi appartient aux médecins, qu’il y ait ou pas rédaction des directives anticipées.

-      Dans la notion d’obstination déraisonnable, chaque médecin place le curseur de la raison ou il veut.

-      Le climat entre médecins peut être conflictuel, ce qui ajoute de la souffrance à la souffrance de la famille.

-      La sédation peut durer plus ou moins longtemps. On ne meurt pas de faim et de soif en quelques jours. Quelques cas médiatisés dont le nôtre ou l’affaire Koffel, mettent en exergue la frilosité de certains médecins qui, par crainte d’être accusés d’euthanasie, si les décès interviennent rapidement, laissent se prolonger d’effroyables agonies. La frontière si ténue entre le licite et l’illicite aboutit à ces terrifiantes aberrations.

-      La loi Léonetti stipule que la sédation est en place pour soulager la douleur et non pour accéder à la mort, même si elle risque d’en hâter la survenue. Or, pour ce qui concerne les états végétatifs, cela est faux ! Notre fils, n’était pas plus mal, ou aussi mal, 2 jours, 6 mois ou 8 ans auparavant. L’intention était donc bien là, euthanasique. Pourquoi, alors ces agonies longues et douloureuses, quel sens leur accorder ?

 

Ø      Quelques questions et réflexions générales :

-          La vie biologique est-elle la vie ?

-          Pourquoi, mourir devient-il un droit à revendiquer puisque la mort s’inscrit légitimement dans la vie ?

-          Pour sacrifier à l’illusion d’une non euthanasie, on voit émerger une forme de « maltraitance institutionnalisée ». Celle-ci est dénoncée par Monsieur Philippe Bataille, sociologue, directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales, auteur du livre « à la vie à la mort ». Il relate le cas édifiant, entre autres, d’un prématuré non viable auquel on a appliqué la loi Léonetti (laisser mourir de faim et de soif) alors qu’avant, il aurait aidé à mourir en paix et en toute humanité.

-          Comment peut-on se dire qu’après tout, l’euthanasie est déjà une réalité dans nos hôpitaux…, alors à quoi bon légiférer ! Comment peut-on accorder « force de loi » à la clandestinité, en risquant par ailleurs, des dérapages dans un sens ou dans un autre ?

-          Pourquoi, opposer aide active à mourir et soins palliatifs ?

-          Pourquoi, dans notre république laïque, écoute-t-on autant l’église ? Où en est la séparation de l’église et de l’état ? Comment les gens d’église peuvent-ils prôner une « mort naturelle » comme seule issue à une « vie artificielle » ? Le principe fondateur de notre société : «  Tu ne tueras point ! », est abusivement et éhontément argué pour fermer la porte à tout débat. La compassion n’est pas « un homicide volontaire » ! C’est l’institution (c'est-à-dire l’homme) qui, en décidant que la mort n’est pas autorisée, se substitue à Dieu et condamne à des doubles peines : celle de ne plus pouvoir vivre et celle de ne pas avoir le droit de mourir.

-          Peut-on croire que l’on fasse preuve de courage personnel, d’héroïsme ou de vertus chrétiennes avec la souffrance des autres ?

 

Nous n’avons abordé que notre drame mais, sommes aussi acquis à une aide active à mourir pour les personnes qui en font la demande, submergées par la douleur, en phase terminale de maladies incurables.

Conscients qu’un tel bouleversement poserait certains problèmes éthiques au corps médical, nous espérons cependant, que loin des clivages politiques, des idéologies et des dogmes, un débat dépassionné s’instaurera qui apportera des réponses concrètes. Légiférer sur un sujet sociétal qui relève tellement de l’intime : « notre propre mort », doit exiger certainement une grande rigueur et beaucoup de courage.

 

Quoiqu’il en soit et quoi qu’il advienne, sachez que notre « combat » et nos témoignages s’inscrivent dans une promesse faite à notre fils sur son lit de souffrance et de mort :

« PLUS JAMAIS ҪA ! »

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  • : Blog parents d'Hervé Pierra: fin de vie dans la compassion
  • : Ce blog est destiné à faire connaitre notre drame et à recueillir vos commentaires et témoignages personnels sur le délicat sujet de la fin de vie. Notre fils Hervé Pierra est resté plongé dans un coma végétatif chronique irréversible pendant 8 ans 1/2. Il est décédé après l'application de la loi Léonetti en 6 jours cauchemardesques, sans sédation. Nous avons promis à notre enfant de nous "battre" pour qu'une telle horreur n'affecte plus jamais personne.
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