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Ce blog est destiné à faire connaitre notre drame et à recueillir vos commentaires et témoignages personnels sur le délicat sujet de la fin de vie. Notre fils Hervé Pierra est resté plongé dans un coma végétatif chronique irréversible pendant 8 ans 1/2. Il est décédé après l'application de la loi Léonetti en 6 jours cauchemardesques, sans sédation. Nous avons promis à notre enfant de nous "battre" pour qu'une telle horreur n'affecte plus jamais personne.

La terrifiante sédation des nourrissons soumis à la loi Léonetti.

Cette étude inédite du Centre Ethique Clinique de Cochin que le journal « Libération », daté du 28 février 2014 a publié, est en résonnance avec les quelques lignes dédiées par Philippe Bataille dans son livre « à la vie, à la mort » de 2012, à la fin de vie des grands prématurés. Ce sociologue, directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales, a mené une enquête pendant plusieurs années dans différentes unités de soins palliatifs en France. Il écrit : « aujourd’hui dans les services de néonatologie, on n’inocule plus de produits létales pour abréger la vie d’un prématuré de huit cents grammes, comme une culture médicale de néonatologistes en avait permis l’exercice. Désormais, on suspend l’alimentation et l’hydratation. Peu le savent. Les soignants qui l’ont fait, par souci de conformité à la loi Leonetti de l’interdit d’euthanasie déjà révisée, disent en avoir éprouvé un malaise éthique.

 

Article du journal "Libération" :

L’étude du centre d’éthique de Cochin sur l’agonie du nourrisson, met en exergue ces « nouvelles pratiques à l’épreuve du réel ». Le travail réalisé par les chercheurs de Cochin est rétrospectif. Il a consisté à retourner voir trois équipes de réanimation et des parents ayant vécu cette situation. En tout, l’histoire de 25 enfants. Et, toujours, une équipe médicale qui, à un moment donné, décide collégialement et en accord avec les parents d’arrêter les soins, mais aussi l’alimentation et l’hydratation artificielle de ces nourrissons de quelques jours, ou de quelques semaines tout au plus. «Tous disent, poursuit le Dr Fournier, que ce temps devient angoissant s’il se prolonge : il est insupportable au-delà de trois, quatre jours, et intolérable au-delà d’une semaine». «Il est inhumain d’attendre aussi longtemps que son bébé meure », a exprimé une mère. Un autre parent relate : «On a vécu l’enfer, cela a été trop, trop long, on attendait, on attendait ; la dernière semaine, on n’arrivait plus à y aller». Ou encore : «Ils m’avaient dit que ce serait court, cela a duré dix-huit jours, c’était un bébé potelé, à la fin elle était devenue méconnaissable Un médecin avoue : «Au bout de huit jours, la tentation de l’euthanasie devient lancinante.»

Elizabeth Belghiti, psychologue déclare : «C’est un sentiment d’effroi. Il y a quelque chose d’inconcevable. Comment ne pas nourrir un nourrisson, alors qu’un enfant, on le nourrit, c’est le lien». Un médecin-réanimateur déplore : «Il y avait une atmosphère difficile, les infirmières pleuraient, le visage du nourrisson devenait si lisse que l’on ne voyait plus d’expressions.»

Laurence Brunet, juriste, écrit : «Ils disent que les deux ou trois premiers jours, quand ils peuvent pour certains prendre leur enfant dans leurs bras, il y a une intimité qu’ils n’avaient jamais vécue, mais dès que cela dure, dès que la peau se dégrade, c’est insupportable.» Marta Spranzi écrit : «Il y a cette idée qu’il faut que les parents fassent le deuil. J’en doute, nous avons vu beaucoup de souffrance. Plus le lien se fait, plus la séparation est dure.» Laurence Brunet : «D’autant que la dégradation du corps est inhumaine. Voire leur enfant devenir une poupée de chiffon… C’est souvent les dernières images qui vont donner du sens à cette fin de vie.»

Elisabeth Belghiti, psychologue, fait une analyse encore plus terrible et revient au point de départ : «Quand on va dire aux parents que leur enfant ne va pas souffrir de la faim, est-ce concevable ? Entendable ? Je ne le crois pas, nourrir son enfant, c’est le cœur de la parentalité. L’arrêter, c’est impensable Et puis, ce temps d’agonie qui dure : «C’est un faux-semblant de vie, avec un petit corps qui souffre, qui se rétrécit. Un nourrisson ? On le voit grandir. Là, c’est l’inverse, c’est à la limite de l’humain.» Des parents ne viennent pas. D’autres ne viennent plus. «Ils ne se sentent pas coupables, mais responsables, dit Belghiti. Ils ont quand même donné leur accord, ils sont tous pour l’arrêt des soins, mais celui de l’alimentation, c’est autre chose… Assister à la décroissance de son enfant ? Ils en sont hantés».

Terrible dilemme. Rarement une pratique médicale de fin de vie n’a été analysée d’aussi près, et rarement autant d’interrogations ne demeurent. Avec ce risque qui émerge : à ne pas vouloir donner la mort, ne détruit-on pas, paradoxalement, les vivants ?

 

En aout 2013, les médecins belges avaient procédé à quelques rectifications, excédés par toutes les contre-vérités qui figuraient dans l’avis du CCNE sur la législation concernant la fin de vie et l’euthanasie en Belgique. Ils déclaraient : « promouvoir la sédation profonde en extrême fin de vie comme substitut à l’euthanasie nous paraît injustifiable. La sédation n’assure pas une mort paisible. Elle maintient le patient coupé du monde extérieur, ni vivant ni mort, pendant plusieurs heures ou jours en attendant que survienne le décès. Une telle prolongation de l’agonie peut constituer pour les proches une épreuve extrêmement traumatisante, voire cruelle, d’autant plus que des complications dramatiques de tous ordres peuvent survenir sous leurs yeux (hémorragies, convulsions, etc.). Nous tenons à témoigner que les convulsions de notre fils lors de l’application de la loi Léonetti hantent à l’heure actuelle encore, nos nuits.

Nous avons lu cet article dans une éprouvante émotion, ne supportant pas le paroxysme de cette souffrance institutionnalisée appliquée au cas des nourrissons grands prématurés.

 http://www.liberation.fr/societe/2014/02/27/agonie-du-nourrisson-des-mots-sur-l-inconcevable_983448

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