Nous bondissons à l’écoute du propos du Docteur Kariger, médecin en charge de Monsieur Vincent Lambert dans l’émission de France 5 « le magazine de la santé » du 13 février 2014. Celui-ci prétend, de façon très appuyée, je cite : que « la loi Léonetti est ma-gni-fi-que… » ! Certes, celle-ci a été un grand progrès, certes, nous reconnaissons que seuls les cas qui se passent mal sont mis en exergue, mais, de grâce, cela est loin d’être la panacée !
Nous sommes les parents d’Hervé Pierra. Notre fils est resté plongé pendant 8 ans ½ dans un coma végétatif chronique irréversible, à l’âge de 20 ans, suite à une tentative de suicide par pendaison. Il était figé dans une grande rigidité, paralysé à 100%, inconscient, trachéotomisé et nourri par sonde gastrique. Il s’étouffait chaque jour, depuis le début de son calvaire, dans ses propres glaires, entrainant de récurrentes et éprouvantes régurgitations. Affecté de problèmes pulmonaires persistants à cause de la présence de bactéries multi-résistantes, il était placé très souvent en isolement. Sa position fœtale, ses attitudes viciées et le fait de n’être jamais déplacé, avaient provoqué une plaie atone grave (escarre au 4 ième degré). Il est décédé en novembre 2006, après notre requête d’application de la loi Léonetti. Ce parcours, semé d’embûches, a duré 18 mois. Les plus hautes instances politiques et médicales de l’époque étaient intervenues pour faire infléchir le corps médical. Le comité d’éthique de Cochin avait donné son aval ainsi que le docteur Régis Aubry (missionné par Jean Léonetti).
Après le retrait de la sonde gastrique, notre fils est mort en 6 jours cauchemardesques, sans aucune sédation, brûlant, cyanosé et faisant des bonds dans son lit, comme électrocuté. Il s’agit, dans notre cas, qui a été médiatisé, d’un « laisser crever », comme l’a écrit Monsieur le député Jean Léonetti dans son livre « à la lumière du crépuscule ». Les médecins avaient eu peur d’être accusés d’euthanasie si notre enfant avait été sédaté et surtout si son décès était intervenu trop rapidement.
Quelques questions et réflexions sur la loi Léonetti :
Ø La décision finale de l’application de la loi appartient aux médecins, qu’il y ait ou pas rédaction des directives anticipées.
Ø Dans la notion d’obstination déraisonnable, chaque médecin place le curseur de la raison où il veut.
Ø Le climat entre médecins peut être conflictuel, ce qui ajoute de la souffrance à la souffrance de la famille, ce qui fut notre cas.
Ø La sédation peut durer plus ou moins longtemps. On ne meurt pas de faim et de soif en quelques jours. Quelques cas médiatisés dont le nôtre ou l’affaire Koffel, mettent en exergue la frilosité de certains médecins qui, par crainte d’être accusés d’euthanasie, si les décès interviennent rapidement, laissent se prolonger d’effroyables agonies. La frontière si ténue entre le licite (loi Léonetti) et l’illicite (l’euthanasie) aboutit à ces terrifiantes aberrations.
Ø La loi Léonetti stipule que la sédation est en place pour soulager la douleur et non pour accéder à la mort. Or, pour ce qui concerne les états végétatifs, cela est faux ! Notre fils, n’était pas plus mal, ou aussi mal, 2 jours, 6 mois ou 8 ans auparavant. L’intention était donc bien là, euthanasique. Pourquoi, alors ces agonies longues et douloureuses, quel sens leur accorder ?
Ø Il est normal et légitime de tout tenter dans l’urgence, afin de faire revenir à la conscience une personne inanimée, en arrêt cardio respiratoire, mais après…, après…, quand les IRM attestent que les lésions cérébrales sont telles que seule une vie végétative se profile, que faire ? Il n’y a pas de tuyaux à enlever, de machines à débrancher…, on ne peut plus revenir en arrière, seul le corps survit, de façon autonome. Ces calvaires peuvent durer des années et des années. Pourquoi refuser « réparation » à ces victimes collatérales des progrès de la réanimation moderne en ne pratiquant pas une aide active à mourir ?
Ø La sédation terminale peut être génératrice de souffrances agoniques car, tout en reconnaissant qu’elle peut hâter la mort, la loi stipule conjointement que la sédation doit être réversible. Exemple d'un cas dramatique: http://parents-herve-pierra-fin-de-vie-loi-leonetti-euthanasie.over-blog.com/article-crime-contre-l-humanite-la-sedation-en-question-119635049.html.
Ø Pour sacrifier à l’illusion d’une non euthanasie, on voit émerger une forme de « maltraitance institutionnalisée ». Celle-ci est dénoncée par Monsieur Philippe Bataille, sociologue, directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales, auteur du livre « à la vie à la mort ». Il relate le cas édifiant, entre autres, d’un prématuré non viable auquel on a appliqué la loi Léonetti (laisser mourir de faim et de soif) alors qu’avant, il aurait aidé à mourir en paix et en toute humanité.
Nous sommes interpellés par deux points :
- La justice n’a pas à s’immiscer normalement en matière médicale, c’est le cas pour l’affaire de Vincent Lambert, c’était aussi le cas pour nous. Le médecin référent avait saisi le Procureur de la République, prétendant qu’une famille voulait « euthanasier » un jeune homme, alors que notre requête d’application de la loi Léonetti était clairement exprimée, écrite et cosignée par nous même et toute notre famille au sens large.
- Dans l’affaire Vincent Lambert, le tribunal administratif a désavoué une loi de notre république et s’est substitué abusivement aux médecins dans une « discipline » qui n’est pas son domaine de compétence.
Nous souhaitons la meilleure issue possible pour Monsieur Vincent Lambert et, que tous les protagonistes de ce drame, retrouvent la paix et la sérénité.